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JP Garufi
Agriculture, Environnement |

Protection de la biodiversité : une reconnaissance internationale pour la Sainte-Victoire et la Camargue

Les sites de la montagne Sainte-Victoire et de la Tour du Valat en Camargue viennent d’être reconnus au niveau international pour leur action en faveur de la protection de la nature par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en rejoignant sa prestigieuse Liste verte des aires protégées et conservées.

Un gisement rare d’œufs de dinosaures, un petit carnivore très discret nommé genette qui faisait office d’animal de compagnie à l’époque médiévale, un site majeur de méditerranée pour la nidification du flamand rose et l’accueil d’oiseaux migrateurs : l’exceptionnelle richesse naturelle de la région et les efforts menés pour la protéger ont une nouvelle fois été consacrés par l’UICN. Après le Parc marin de la Côte bleue inscrite sur sa liste verte des aires protégées en 2018, c’est au tour de la Réserve naturelle de Sainte-Victoire et du Domaine de la Tour du Valat en Camargue d’y figurer. Pour l’édition 2021, cette distinction récompense doublement le territoire parmi les 10 nouvelles aires sélectionnées en France, en Suisse et en Italie par le Comité international de l’IUCN.

Cette reconnaissance de niveau mondial salue à la fois la bonne gestion et les résultats probants obtenus en matière de préservation du vivant et de conservation de la nature. Apparaitre sur la liste verte est loin d’être anecdotique quand on sait que seulement 59 sites dans 16 pays à travers le monde y figurent. Aujourd’hui, avec ses 22 aires protégées et conservées, la France est le pays le plus reconnu au monde par l’UICN.

Les aires protégées : un outil pour lutter contre les atteintes à la biodiversité

Faire partie des aires protégées inscrites sur la liste verte est bien plus qu’un simple label. Cela récompense et met en lumière une stratégie de préservation de la faune et de la flore qui montre des résultats visibles ainsi que la qualité et l’exemplarité de la gestion des sites. A ce titre, l’aire protégée et conservée est un véritable outil au service de la préservation des espèces et des milieux.

Tout comme le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité et les menaces dont sont victimes des espèces animales et végétales de plus en plus nombreuses à travers le monde, pèsent sur l’avenir de la planète. Selon les scientifiques, un million d’espèces sont aujourd’hui en danger et les risques de disparition ont été multipliés par 100 depuis 1900 ; un rythme sans précédent depuis la dernière grande extinction il y a plus de 60 millions d’années. Développer les aires protégées garantes d’une gestion exemplaire des milieux naturels et du vivant, est un moyen d’action efficace et un outil essentiel pour endiguer ce phénomène dramatique. Il contribue à l’ambition d’une protection de 30% des surfaces terrestres et marines de notre planète d’ici 2030, un objectif que grandes organisations de défenses de l’environnement comme l’UICN, gouvernements et experts appellent aujourd’hui de leurs vœux.

Ce dispositif a permis de conforter l’action du Parc marin de la Côte bleue qui, grâce aux mesures prises en matière de pêche, de mouillage ou encore d’habitat sous-marin, a vu le retour du mérou dans ses eaux. A son instar, la Réserve de Sainte-Victoire et le Domaine de la Tour du Valat ont démontré l’efficacité de leur intervention pour préserver leur patrimoine naturel.

La Réserve Sainte-Victoire : un site naturel et paléontologique unique

La Réserve naturelle de Sainte-Victoire existe depuis 1994, mais les efforts en matière de gestion et de valorisation de ses ressources géologiques et biologiques se sont particulièrement intensifiés à partir de 2015. En effet, à la stratégie de protection d’une nature riche de plus de 1500 espèces et d’un patrimoine paléontologique unique, s’est ajoutée une stratégie de valorisation du site. Ainsi, sur ce site totalement fermé au public, une campagne de fouilles archéologiques a été menée chaque année et un inventaire poussée de la faune et de la flore ont permis d’obtenir une connaissance beaucoup plus fine de sa biodiversité. Des espèces telles que la genette, le mouflon à manchettes ou même les loups, habituellement très rares, ont pu être repérées. Tandis que parmi les nombreuses espèces d’araignées identifiées, deux spécimens encore jamais observés auparavant en France ont pu être découverts.

Mais ce qui rend cette distinction si singulière est la reconnaissance du site pour son patrimoine géologique exceptionnel. Il représente l'un des plus importants gisements d'œufs de dinosaures au monde, amenant d’ailleurs les scientifiques anglo-saxons à surnommer le site « Eggs-en-Provence ». Sous les talus d’argile rouge, les paléontologues ont extrait des centaines de fossiles, œufs et ossements. Aussi, cette spécificité en fait la première réserve naturelle à vocation géologique du monde à figurer sur la liste verte. Longtemps victime de pillages, le site est aujourd’hui totalement fermé au public.

Domaine de la Tour du Valat : concilier l’Homme et la nature

Au cœur de la Camargue, le Domaine de la Tour du Valat, dont la structure porteuse s’est constituée en institut de recherche, est pionnier en matière de connaissance et de défense des zones humides, des écosystèmes menacés et soumis à de nombreuses pressions. En effet, cela fait près de 70 ans qu’il s’emploie à étudier, comprendre et protéger une zone humide méditerranéenne exceptionnelle de près de 3000 hectares. Véritable laboratoire à ciel ouvert, le domaine partage à travers le monde ses connaissances et son expérience sur ces milieux naturels très vulnérables.

Dans le domaine, ce sont plus de 300 espèces d’oiseaux, 600 espèces de plantes, 1600 espèces d’invertébrés qu’il s’agit de protéger. Car parmi elles, certaines sont très fragiles : une trentaine est inscrite sur la liste rouge de l’UICN des espèces menacées. C’est pourquoi le site est accessible de manière très ponctuelle mais n’a pas vocation à recevoir le grand public.

Le Domaine de la Tour du Valat va bien au-delà de la protection de la biodiversité. Il expérimente depuis plusieurs années des pistes de compatibilités possibles entre l’impératif de préservation de la nature et les activités humaines, avec une conviction : c’est de la (ré)conciliation entre l’Homme et la nature que naitra un équilibre écologique durable. C’est ainsi que la Tour du Valat a lancé des projets innovants d’agro-écologie autour de la viticulture, de la culture du riz bio, des arbres fruitiers, du maraichage, de l’élevage de bovins et de chevaux de race Camargue, ou encore de la co-gestion de marais avec les habitants du petit village voisin, Le Sambuc. Ces initiatives témoignant de modes de gestion et de gouvernance innovants ont pesé dans la décision de l’UICN.

Ces distinctions seront officiellement remises à l’occasion du Congrès mondial de la nature de l’UICN qui se tiendra du 3 au 11 septembre 2021 à Marseille.

Anne-Sophie LEBON

Liste rouge, liste verte

La liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature est tristement célèbre pour publier chaque année depuis presque 60 ans, un inventaire mondial très précis de l’état de la biodiversité, du niveau de menace et du risque d’extinction qui pèsent sur celle-ci. Elle répertorie aussi les espèces malheureusement éteintes. Grâce à cette liste on sait qu’à l’échelle mondiale, un oiseau sur sept, plus d’un amphibien sur trois et un tiers des espèces de conifères sont aujourd’hui menacés d’extinction.

De son côté, depuis 2014, la liste verte des aires protégées met en avant les sites qui œuvrent pour la protection de la nature de façon exemplaire. Pour faire partie de la très sélective liste, 17 critères relevant de quatre grandes composantes sont étudiés par l’UICN :
- bonne gouvernance,
- conception et planification solides,
- gestion efficace,
- résultats effectifs en matière de conservation.

Il s’agit tout autant d’une reconnaissance des actions menées, qu’un encouragement à poursuivre pour conserver ce label. Cette distinction fait aussi référence pour tous les autres espaces naturels dans le monde, en les incitant à améliorer leurs pratiques. Aujourd’hui environ 500 sites sont candidats dans 50 pays ayant officiellement exprimé leur intérêt à rejoindre la liste verte.

Pour en savoir plus :

https://listeverte.net/

https://tourduvalat.org/

https://www.departement13.fr/nos-actions/environnement/parcs-et-domaines-departementaux/reserve-naturelle-sainte-victoire/