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Fathi Benjilali : « La région Sud est un vivier de talents pour la culture hip-hop »

Mis à jour le 12 février 2024

Aujourd’hui, le Breaking (souvent appelé « breakdance ») a su s’imposer dans le paysage culturel régional et se hisser jusqu'aux Jeux Olympiques. De nombreux acteurs du milieu comme Fathi Benjilali et son collectif se battent depuis près de 30 ans pour faire connaitre et briller cette discipline. Nous avons rencontré ce breaker originaire de Gardanne, aujourd’hui champion aux multiples titres internationaux.

Apparu dans les clips de plusieurs stars du rap, coach des danseurs de Jul au Vélodrome, ou professeur particulier des enfants de Brad Pitt et Angelina Jolie, nous avons échangé avec Fathi Benjilali, grand nom du breaking français, pour parler notamment de la seconde édition de La Marseillaise Breaking Cup. Evènement phare du breaking en région, il se tiendra les 4 et 5 novembre 2023 à l’espace intérieur de Bargemon, dans la salle du conseil municipal de la ville de Marseille.

Comment avez-vous commencé le Breaking ?

Plus jeune, j’ai été très inspiré par le monde du Hip-Hop. J'ai grandi dans un endroit plutôt hostile et ma rencontre avec cette culture m'a permis de m’émanciper. Je n'aurais jamais cru qu'un jour, à force de travail et de résilience dans cet univers, je puisse voyager et faire des rencontres aussi extraordinaires.

A l’époque, je n’avais pas de connexion internet alors je regardais les battles et les compétitions depuis les services jeunesse et les associations de ma ville. Par exemple, j'ai représenté la France dans la Team All Star qui s'appelle IBE (International Breakdance Event). C'est la rencontre des plus grandes têtes mondiales dans ce milieu. Moi, je regardais ça comme un bébé pendant des années, puis un jour à force de travail, j'ai pu me démarquer au travers des battles que je faisais, jusqu’à être invité à ce battle là.

Parlez-nous de votre palmarès ?

Je suis parti représenter la France aux États-Unis, notamment au Hip-Hop International à Las Vegas en 2012, j'ai remporté le Battle of the Year en 2014 dans l'équipe 2014-2015, qui est un titre de renommée internationale. Mon premier titre mondial a été le Chelles Battle Pro à Paris, remporté en deux contre deux. C'est le championnat du monde de Battle Pro. J'ai eu la chance ensuite de le gagner en équipe en 2015-2016. J'ai aussi remporté pas mal de compétitions européennes en équipe et en solo.

Quelle est la particularité de votre danse ?

J'ai une danse très atypique et poétique. Je ne suis pas forcément sur la prouesse technique, mais plutôt sur la propreté, la grâce, l'exécution de mouvement et je suis aussi connu pour l’importance que je donne à la musicalité.

Dans le breaking, parallèlement à la technique ce qui est important c’est la personnalité. On distingue dans ce monde le breaker et le b-boying. Le b-boying c’est l’identité du danseur, c’est un homme ou une femme qui a les codes du breaker que ce soit dans la gestuelle et la posture, au-delà de la technique. On distingue tout de suite ceux qui imitent et ceux qui ont travaillé leur identité et leur prouesse artistique, ce qui prend du temps. Par exemple tu peux apprendre une poésie et la réciter, mais l’écrire c’est complètement autre chose. Souvent, on va tomber contre une femme ou un homme qui a plus de niveau en terme de technique, plus de facilités, mais la personne en face qui a du charisme, du flow ou de la personnalité va tout de suite prendre l’espace et l’éteindre. C’est ce qui est très dur dans cette discipline.

Le breaking se démocratise de plus en plus, notamment avec son entrée dans la liste des disciplines des Jeux Olympiques, qu’est-ce que ça vous fait ?

Je ne suis pas surpris. Il n’y a d’ailleurs pas que le breaking, dans le domaine des cultures urbaines ou de la culture Hip-Hop. On trouve aussi le BMX, la trottinette, le skate, le basket trois vs trois, il y a aussi le football freestyle qui est en train d'arriver aux JO.

Moi, je croyais en ces disciplines depuis très, très longtemps parce qu’elles sont au cœur de nos sociétés parce que ce sont nos classiques. Je le dis souvent mais ce qui nous réunit autour de ça, ce sont les musiques actuelles, ce sont elles qui font office de tronc commun. Je crois en ces disciplines car elles sont à l’image de cultures, qui sont un alliage d'art et de sport.

C'est un écosystème qui s'est auto créé, dans des circonstances sociétales particulières, et qui a trouvé sa place aujourd'hui dans des mouvances comme le graff par exemple qui s’est imposé dans le monde de l'art. Moi, je défends depuis plus de 20 ans les cultures urbaines au sens large, pas seulement la culture Hip-Hop qui n’est qu’une famille des cultures urbaines. Elles ont fait office de parents pour moi, de par le vécu et le parcours très très atypique que j'ai eu.

Quelle place occupe aujourd’hui le breaking en région Sud ?

Il a une très bonne place parce que des acteurs, comme les membres du collectif dans lequel je suis, se battent depuis 20, 30 ans pour ça. Il faut aussi rappeler que Marseille et le Sud, ont une histoire avec le rap. Mais concernant la place de la culture Hip-Hop au sens large, il y a beaucoup de protagonistes, qu'il s'agisse de nos anciens ou des jeunes qui arrivent. Notre seul mérite c'est notre travail. On milite pour notre région, comme les fervants gaulois de notre territoire. Et aujourd'hui le sud de la France fait partie des capitales mondiales de la culture Hip-Hop et des cultures urbaines que ce soit en termes d'événementiel, d'actions culturelles ou sportives.

Imaginez, la première édition du mondial de breaking en avril a réuni 7000 personnes. C'est ce que doit faire Paris 2024 à la Concorde alors que nous, on n'a pas du tout les mêmes moyens. On a été labellisé doublement en Olympiades culturelles et Impact 2024 (Impact 2024 (paris2024.org)).

La région Sud est devenue un vivier de talents dans l'ensemble des cultures urbaines et de la culture Hip-Hop et dans tous les domaines la danse, le skate, le graff dans tout.

Pour finir, pourriez-vous nous dire quelques mots sur la prochaine édition de La Marseillaise Breaking Cup ?

L'événement se tiendra les 4 et 5 novembre 2023. Je l’organise notamment avec mon collaborateur Mohand Zenasni. Il y aura deux line up, une one-one internationale pure break et une one-one en all style qui est une compétition tous styles, avec des musiques actuelles sur lesquelles les danseurs doivent s'adapter.

Cinq compagnies chorégraphiques qui sont connues mondialement dans les concours chorégraphiques Hip-Hop seront là aussi. En France, très peu d'évènements laisse entrer les compagnies, les chorégraphes et les chorégraphies, alors que nous, aujourd'hui nous le faisons à chaque évènement. On est « toujours imités, jamais égalés » – rire – on était les premiers à le faire et maintenant dans l’ensemble des évènements en France les organisateurs mettent des compagnies et des shows.

Au-delà de ces compagnies de renom, on a des b-boys et b-girls de renom qui acceptent de venir à chaque fois qu’on les appelle, ou qu'on les invite à un événement sur le territoire. La légitimité de notre histoire, de l’histoire de notre territoire, fait qu’ils s’empressent tout de suite de venir.

Mis à jour le 24 juillet 2024