La santé mentale des jeunes en France apparaît aujourd’hui comme un enjeu majeur, révélant des fragilités profondes et des disparités territoriales marquées notamment dans les territoires d'outre-mer. Selon les dernières données issues d'une enquête sur la Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer et du questionnaire PHQ-9 (outil de référence pour dépister et mesurer la sévérité des symptômes dépressifs), 25 % des jeunes présentent des signes de dépression, un chiffre bien supérieur aux 14 % qui estiment être en mauvaise santé mentale. Ce décalage entre la perception et la réalité illustre une banalisation persistante de la souffrance psychique, souvent minimisée ou ignorée par les jeunes eux-mêmes.
Une enquête inédite sur l’ampleur du phénomène
L’enquête "Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer : cartographie des inégalités" a été réalisée conjointement par la Mutualité française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram. Menée en ligne du 14 au 30 avril 2025 par Ipsos, elle repose sur un échantillon de 5 633 jeunes âgés de 15 à 29 ans, représentatif de la population française, incluant les départements et régions d’outre-mer.
Le questionnaire, composé de 23 items, explore la santé mentale, la qualité de vie, les habitudes quotidiennes et la perception de l’avenir. L’évaluation de la dépression s’appuie sur le PHQ-9, un auto-questionnaire validé à l’international, qui mesure la présence et la sévérité des symptômes dépressifs sur les deux semaines précédant l’enquête.
Des fractures selon le genre, l’âge et la condition sociale
Les inégalités sont nettes selon le genre et l’âge. Les jeunes femmes sont plus nombreuses à souffrir de dépression (27 % contre 22 % des hommes), surtout avant 22 ans. Troubles du sommeil, fatigue chronique et stress scolaire accentuent cette vulnérabilité. De manière générale, l’entrée dans la vie adulte s’accompagne d’une dégradation du bien-être : la proportion de jeunes en dépression passe de 19 % chez les 15-17 ans à 28 % entre 22 et 25 ans.
Cette fragilité s’inscrit dans un climat d’anxiété généralisée. Près de 94 % des jeunes se disent inquiets pour au moins un enjeu majeur : leur avenir personnel, les crises internationales ou la situation environnementale. L’éco-anxiété touche d'ailleurs désormais plusieurs millions d’entre eux et alimente un sentiment d’impuissance croissant.
À cela s’ajoutent des facteurs sociaux puissants. La précarité triple quasiment le risque de dépression : 47 % des jeunes en difficulté économique sont concernés, contre 16 % parmi les plus favorisés. L’isolement social pèse également lourd : les jeunes ayant une vie sociale peu active se déclarent beaucoup plus souvent en mauvaise santé mentale, et plus de la moitié ressentent une solitude persistante.
Le harcèlement, un fléau durable
Les réseaux sociaux, omniprésents dans le quotidien des jeunes, jouent un rôle ambivalent : à la fois refuge et amplificateur du mal-être. Plus de quatre jeunes sur dix y passent plus de trois heures par jour, et ceux qui y consacrent le plus de temps sont aussi les plus nombreux à souffrir de dépression. Le cyberharcèlement, qui touche un quart d’entre eux, accentue encore ces troubles.
Indépendament de ce phénomène sur les plateformes, le harcèlement, scolaire notamment joue un rôle important dans la question de la santé mentale.
"Plus globalement, un jeune sur deux (52 %) a déjà été confronté à une forme de harcèlement scolaire : 31 % comme victime directe, 23 % comme témoin et 11 % reconnaissent avoir eu des comportements blessants. Ces expériences laissent des séquelles durables : parmi les jeunes harcelés, 75 % s’inquiètent pour leur avenir personnel, contre 61 % chez ceux qui ne l’ont pas été." révèle l'étude de la Mutualité Française.
La Région Sud a fait de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité. Elle y consacre un million d’euros par an pour prévenir toutes les formes de harcèlement, y compris le cyberharcèlement, et encourager la mobilisation des jeunes, des parents et des personnels éducatifs. La formation des agents de lycées, la création d’une Garde régionale des Lycées, des ateliers de sensibilisation et un prix régional “Pour en finir avec le harcèlement scolaire” participent à créer un environnement plus sûr et plus bienveillant.
Un accès aux soins encore inégal
Si la question de la santé mentale des jeunes est aujourd’hui centrale, l’accès aux soins reste limité. Seuls 38 % des jeunes ont déjà consulté un professionnel à ce sujet, et près d’un sur cinq y renonce, par peur du jugement, manque de moyens ou méconnaissance des dispositifs existants.
Pour pallier ces obstacles, la Région Sud déploie le Pass Santé Jeunes, un dispositif destiné aux 15-26 ans pour faciliter l’accès aux soins médicaux et psychologiques. Son coupon psychologique, d’un montant de 90 euros, permet de financer tout ou partie de consultations auprès de psychologues libéraux agréés. Ce dispositif, simple et accessible à tous sans condition de ressources, favorise un suivi rapide et de proximité. En rendant le soutien psychologique plus abordable, il offre une réponse concrète à une jeunesse en quête d’écoute et de solutions durables.
Vers une société plus bienveillante
Face à cette situation, les jeunes expriment des attentes claires : améliorer l’accès aux soins psychologiques, renforcer la prévention, la sensibilisation et créer des conditions de vie plus apaisées. Au-delà du traitement des symptômes, ils appellent à s’attaquer aux causes profondes du mal-être : précarité, isolement, pression scolaire et professionnelle. Derrière ces revendications, se dessine une aspiration commune : celle d’une société plus attentive, plus équitable, où la santé mentale ne serait plus reléguée au second plan.