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© Denis Pietri, capitaine aux commandes du moulin de la Malissonne
Agriculture, Particulier

Au moulin de la Malissonne, une huile de haut niveau

Mis à jour le 12 février 2024

Sur la côte varoise, les oléiculteurs connaissent bien le moulin de la Malissonne et son propriétaire, Denis Pietri. Capitaine, mécanicien et surtout moulinier, c’est un passionné de l’olive et de l’huile et un fervent défenseur de la production locale. Rencontre avec un homme pressé. 

A La Cadière au milieu des vignes, entre octobre et décembre, le moulin de la Malissonne ne désemplit pas. Chaque heure, environ 2 tonnes d’olives s’y engouffrent. Pendant qu’elles sont lavées, effeuillées, broyées, malaxées, les producteurs trépignent, impatients de goûter le cru de l’année. La raison du succès de ce moulin tient notamment à la technique élaborée par son propriétaire, Denis Pietri. Il est le seul en France à proposer une filtration continue, particulièrement adaptée à la brun, variété locale que l’on trouve de Cassis à Toulon. A l’intérieur du moulin, entre cuves en inox, filtres, broyeurs et balances, Denis Pietri s’élance, dans le bruit des machines, pour actionner les manettes de son « jouet ». Cet ancien capitaine de première classe et chef mécanicien dans la navigation maritime a tout réglé, jusqu’au moindre détail, pour arriver à un résultat dont la réputation n’est plus à faire. « Je suis très pointilleux sur la qualité et je veux que mes clients repartent avec un vrai produit fini, insiste le moulinier. La filtration continue, ce n’est pas la panacée mais c’est le meilleur moyen de se débarrasser de l’eau de végétation contenue dans l’huile, qui crée une émulsion et risque de l’oxyder. » Cette envie de produire la meilleure huile possible a germé longtemps dans l’esprit de celui qui, après avoir vu le moulin de son grand-père fermer, victime du grand gel de 56, s’est juré qu’un jour il prendrait le relais. Des années plus tard, en 2014, il raccrochait sa casquette de capitaine pour enfiler des bottes d’agriculteur. 

48 heures chrono

150 kilos d’olives sont nécessaires pour avoir sa propre cuvée et connaitre le goût de ses olives, et ses olives uniquement. Les récoltes plus modestes sont intégrées au « florilège producteurs ». Une fois cueillies, les olives ont 48 heures pour arriver au moulin, une course contre la montre pour en obtenir le meilleur. Elles doivent être fournies tout juste matures, sans feuille et peu piquées par la mouche, ennemi public n°1, pour que la qualité soit optimale. Mais pour le moulinier, il n’y a pas de secret : « Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, si vous avez des belles olives vous aurez de la bonne huile, si vous avez des olives moyennes vous aurez une huile moyenne et si vous avez des vilaines olives on ne les travaillera pas ici ! » Il faut généralement 6 kilos d’olives pour obtenir un litre d’huile, mais le rendement peut être bien plus faible, avec parfois 12 kilos nécessaires, ce qui laisse imaginer la quantité de résidus produits chaque jour ! En une heure, plus d’une tonne de pulpe et de noyaux, riches en oligoéléments, en potasse et en matières organiques, sort du moulin pour être épandue sur les vignes environnantes.  

Une oliveraie expérimentale

Au fil des saisons, le moulin a connu des bonnes années et ces derniers temps, surtout des mauvaises. « On peut passer de 350 tonnes à 50 tonnes, se désole le mouliner. Je ne me paye pas, pour rentrer dans mes frais je dois triturer 170 tonnes d’olives. L’année dernière, j’ai fait 140 tonnes, cette année ce sera un peu mieux. Les oliviers sont impactés par le changement climatique et la sécheresse. Ici il fera bientôt partie du folklore, parce que tous les terrains sont réservés à la viticulture ou à l’habitat. Il n’y a que moi pour planter des oliviers sur un terrain constructible ! » Cultiver l’olivier, c’est beaucoup de travail pour un rendement faible, des aléas comme l’attaque de la mouche, le tout dans un contexte climatique incertain. Résultat, de nombreux petits producteurs se découragent. Mais en cas de coup dur, ils peuvent se tourner vers Denis Pietri : « Je ne veux pas juste faire de l’huile, je veux conseiller les producteurs et transmettre ma passion. Pour ça, j’ai planté une oliveraie totalement expérimentale avec une trentaine de variétés, des varoises, la picholine du Gard, le Cailletier de Nice, d’autres variétés qu’on m’apporte, pour pouvoir répondre aux questions de mes clients. » Le moulinier est précurseur des traitements en bio, et invite les producteurs à passer à l’argile pour protéger les olives de la mouche, par exemple. Son autre cheval de bataille c’est la taille en gobelet polyconique, déjà pratiquée en Italie et qui se heurte aux réticences des locaux. Pas de quoi accabler le moulinier qui continue de poster, sur son blog, ses comptages de mouches et ses invitations à venir apprendre avec lui des nouvelles méthodes de taille et de traite.   

L’olive en Provence 
La Région Sud représente à elle seule 66% de la production nationale d’huile d’olive et réunit aussi à elle seule 6 appellations d’Origine (AOP) : huile d’olive de Nyons, huile d’olive de la Vallée des Baux-de-Provence, huile d’olive d’Aix-en-Provence, huile d’olive de Haute-Provence, huile d’olive de Nice, huile d’olive de Provence. Pour soutenir l’oléiculture sous toutes ses formes (entreprises, structures professionnelles, recherche, expérimentation, promotion…), la Région consacre près de 350 000 € sur l'ensemble des programmes chaque année. 

Mis à jour le 24 juillet 2024