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Des lycéens font le procès du cyberharcèlement

Mis à jour le 12 février 2024

A Marseille, les élèves du lycée professionnel Blaise Pascal ont endossé, le temps d’un procès, la robe d’avocat pour faire toute la lumière sur un cas pratique de cyberharcèlement. Retour sur un atelier qui décortique les mécanismes de cette autre dimension du harcèlement.

Au lycée Blaise Pascal à Marseille (12e), la lutte contre le harcèlement scolaire peut prendre toutes les formes. Après une première intervention assurée par une troupe de théâtre, c’est cette fois à travers un procès que les élèves ont pu appréhender le sujet du cyberharcèlement. L’atelier, assuré par Urban Prod, s’est installé dans cet établissement grâce à Alicia et Enzo, les deux médiateurs de la garde régionale des lycées, qui ont suggéré cette activité aux membres de l’équipe pHARe. Au sein du lycée, plusieurs enseignants ainsi que l’assistante sociale et la CPE ont pour rôle de soutenir les victimes et témoins de harcèlement et de proposer aux élèves un programme qui leur permette de réfléchir aux enjeux liés à ce phénomène. « J’ai trouvé l’idée très bonne, résume Mme Bekar, Conseillère Principale d’Education. Nous voulons les amener à travailler leur esprit critique et à prendre conscience du rôle joué par les algorithmes dans les contenus qu’ils regardent et qu’ils partagent. Nous avons un vrai besoin éducatif dans ce lycée, où les élèves ont tendance à confondre humour et harcèlement et à considérer que parler à un adulte revient à « balancer » un camarade. »

Des algorithmes qui carburent aux préjugés

Toutes les classes de seconde et les 1ere année de CAP se sont prêtées à l’exercice. Par petits groupes, ils ont commencé par partager leurs temps d’écran respectifs, s’étonnant d’en voir certains passer plus de 10 heures par jour sur les réseaux. Ils y consomment énormément de contenus et y suivent des influenceurs qui sont parfois eux aussi victimes de cyberharcèlement. En guise d’échauffement, les élèves se voient remettre des cartes « profils », auxquelles ils doivent associer des cartes « contenus ». Ils se sont ainsi mis dans la peau de l’algorithme et guidés par leurs préjugés, ont naturellement associé les escroqueries et influenceurs à l’amatrice de mode, ou encore les contenus violents aux auditeurs de rap. L’algorithme se nourrit ensuite de la navigation de chacun pour créer une « bulle », comme ça a été le cas pour une élève harcelée qui, à force de recevoir des vidéos violentes mettant en scène des suicides, a fini par n’avoir plus que ce type de vidéo proposé sur son profil. De quoi donner matière à réflexion.
Après ce premier exercice, les élèves sont prêts à travailler sur des cas pratiques de cyberharcèlement qui ont donné lieu à des dépôts de plaintes. Ils endossent alors les rôles d’experts judiciaires, d’avocats de la victime ou de l’accusé. Ils ont quelques minutes pour étudier les documents rassemblés (textes de loi, articles de presse) et lire les différents témoignages pour tenter de retracer les faits, faire triompher la vérité et aboutir à la peine la plus juste. Naturellement, les élèves sont impitoyables avec l’agresseur présumé et requièrent les sanctions les plus sévères. N’Doua Ebrottie a justement dû le défendre : « je trouve que c’est un bon exercice parce que ça permet d’essayer de comprendre comment et pourquoi le harcèlement a eu lieu, et comment la situation a pu en arriver là ».

Des plaidoiries bien ficelées

 « Ils sont attentifs et ont beaucoup de choses à dire, observe Sarah Rietsch, encadrante de l’atelier. Ce qui est important est bien sûr qu’ils comprennent que le harcèlement est puni par la loi, pour les personnes majeures comme pour les mineures. On veut les amener à s’interroger sur un certain nombre de mécanismes, sur les discriminations et sur la possible banalisation du harcèlement. Souvent face au harcèlement, leur premier réflexe est de trouver des solutions violentes, comme apprendre à se battre. La simulation du procès permet d’avoir une autre approche. » D’eux-mêmes, les élèves ont soulevé des questions essentielles, à commencer par celle de la définition du harcèlement, qui permet de comprendre pourquoi et de quoi l’agresseur peut être coupable. Dans leurs plaidoiries, les élèves ont insisté sur les conséquences à long terme que le harcèlement a eu sur les victimes, ils ont parlé d’anxiété, de décrochage scolaire, de dépression, de santé mentale. Les avocats de l’accusé ont plaidé l’effet de groupe, mis en valeur des contextes familiaux difficiles ou encore le fait que l’agresseur est souvent lui-même victime. Une fois la séance levée, chacun repart, un peu mieux armé qu’avant, pour décrypter ce qui se déroule parfois sous leurs yeux, dans leur lycée.

La lutte contre le harcèlement scolaire, grande cause régionale
La Région a fait de la question du harcèlement scolaire une grande cause régionale déclinée dans un plan d’actions voté par l’assemblée régionale le 28 octobre 2021. Il renforce la place des médiateurs de la Garde régionale des lycées, forme les agents des lycées et organise des ateliers de sensibilisation, qui peuvent prendre la forme d’escape game, d’autodéfense verbale et physique ou encore de simulation de procès. De plus, un prix régional a été créé pour récompenser toutes les initiatives mises en place par les lycées pour lutter contre ce fléau. Chaque année, une journée régionale de lutte contre le harcèlement scolaire a été instaurée en novembre.

Mis à jour le 24 juillet 2024