Le Podcast Région Sud - Parle Sud

Ici ça « Parle Sud » : c’est la région dans vos oreilles où et quand vous voulez ! Le podcast pour s’imprégner, rire et s’émouvoir des richesses régionales. Écoutez le portrait sonore de femmes et d’hommes qui vous plongent dans l’ambiance du Sud.

Des voix qui nous parlent, des histoires qui vous rappelleront peut-être la vôtre. 

Avec « Parle Sud », podcast de la Région Sud, faites plus ample connaissance avec des personnalités régionales, et bien souvent, nos meilleurs ambassadeurs !  Ils ont tous un point commun : quoi qu’il arrive, ils seront toujours fiers de représenter le Sud et notre identité.
Renaud MUSELIER
Président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur,
Président délégué de Régions de France

Episode 10 - Bande à part - leur Sud à eux

Ce mois-ci, et parce que nous déclarons ouverte la saison des festivals dans le sud, nous recevons deux des trois lurons du groupe Bande à Part. Ils nous font danser depuis des années en nous embarquant dans leur univers fantasque, via leurs sublimes reprises des tubes des années 70 et 80. Et pour eux, nous avons fait une petite exception, c’est chez eux, à Ajaccio, que nous les avons rencontrés. Amoureux de leur île, et attachés à ce sud qui les accueille toujours avec une ferveur qui les étonne encore, c’est avec générosité et humour, qu’ils se sont confiés à notre micro.
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Dany Love. Dany Vargas, Bonjour. Très heureuse de vous avoir à notre micro ici chez vous à Ajaccio.

C'est un honneur, Vous vous déplacez jusqu'à Ajaccio, c'est chouette on n'a même plus besoin de bouger.

Alors si vous deviez vous présenter et présenter bande à part à des gens qui ne vous connaissent pas du tout, qu'est-ce que vous diriez ?

Nous sommes trois personnes. Donc nous sommes un groupe et on a l'habitude de reprendre des titres qu'on sort de la poussière ou qui ont un style de musique opposés à nos reprises. Donc on a une forme d'énergie aussi, on frappe sur notre énergie. On a les originaux et à partir de là, c'est une matière de travail. Et on les modèle comme on veut on est vraiment loin des originaux, on s'amuse dessus, en fait. Et on a créé tout un spectacle autour de cette collection de titres qu'on a décidé de prendre.

Alors Bande à part fête ses dix ans cette année. Nous avons évidemment envie de tout savoir sur cette belle aventure. Comment vous êtes passé de blagues à part à Bande à part ?

Bonne question. C'était il y a dix ans, à l'époque avec blague à parton tournait moins. Et c'est vrai qu'on faisait de la composition mais on sentait qu'on avait besoin d'un nouveau souffle. On avait besoin de s'amuser. Un jour, on était chez un ami qui avait des perruques, et on s'est rendu compte qu'en faisant, en reprenant des chansons comme ça, en faisant des covers et en se grimant, ça nous faisait rire. On a écumé sur Paris à l'époque les friperies, tout ça et on se rendait compte que nous faisait trop rire, et Bande à Part est parti de là, ça nous ouvrait le champ des possibles

Même avec de la cover, on s'est senti plus créatif.

Vous êtes des potes à la base ? Des potes d'enfance ?

On est des amis à la base, on est né dans le même quartier.

Vous aviez quel âge quand vous vous êtes rencontrés ?

On était vraiment petit. On s'est fréquentés enfants, mais on s'est vraiment fréquentés au lycée.

C'est étonnant la passion pour la musique, la passion commune d'enfants, d'amis d'enfance, c'est chouette.

Ça on l'a découvert qu'on avait 17 ans parce que on faisait tous les deux de la musique. Mais on s'est retrouvés, je dirais au lycée à 18 19 ans.

Il m'a dit écoute, tu viens, tu vois comment ça se passe ! Au début, je faisais de la trompette et il y avait d'autres personnes dans le groupe dans lequel je jouais et on restait pas mal ensemble, on prenait un peu la guitare, donc on jouait un peu tous les deux en dehors du groupe. Et un jour, il m'a dit tu as une bonne voix, tu vas chanter. Ça s'est fait comme ça, je résume un peu, mais le groupe est né de ça. En tout cas, notre attache est là-dedans et après on a mis ça dans la musique.

A l'époque on était constamment ensemble. Il y avait, Blague à Part, mais c'est vrai qu'avec Blague à Part, on répétait tous les deux jours. Mais c'est qu'on était frustré, dans la journée il fallait alimenter. On passait toutes nos journées ensemble, c'était la plage, les sorties ensemble. Donc c'est vrai qu'on était un peu frustrés que ça ne ressorte pas, qu’on ne le grave pas quelque part. Vous nous posiez la question : pourquoi bande à part. Parce qu'on fait nous, c'est original. C'est vraiment une histoire originale. Ce n’est pas faire du cover pour faire du cover, même si ça fait un peu pompeux ce que je dis. Mais on peut quelquefois un peu chercher l'inspiration aujourd'hui. Parce que bien sûr, on grandit, on fait nos vies et tout. Mais les jeunesses de Bande à part, c'est vraiment ça. Tout est matière à créer.

On est convaincu que dans ce qu'on fait, c'est ça que ça soit un prétexte, qu'on dise que c'est un titre original, ou un cover. On est convaincu que notre histoire, que soit notre enfance, qui sont nos parents etc, et bah on le transpire là-dedans. Donc c'est le plus important pour nous.

Il vous a dit « toi tu as une bonne voix, tu vas chanter ». Vous aviez pris au zéro cours ?

On a des bases musicales et notre histoire musicale, on l'a créé ensemble.

Exactement ! effectivement, on prenait des cours à côté, on était dans des écoles de musique. Mais en vrai, le vrai chemin de bande à part et même de blague à part, il est autodidacte. On n'a pas de formation. Bon, ça après, c'est l'histoire de notre vie qui a fait que toutes ces anecdotes, des erreurs, des chemins, des voyages, qui a fait qu'à un moment donné, on a raconté le truc de cette façon-là. On n'est pas dans une académie, une formation académique.

Donc l'évidence, c'était de reprendre des titres des années 70 80 qu'on adore. Deux questions en une : Pourquoi ces chansons-là ? Et est-ce que c'est ce que vous aimez vous même ? Est-ce que c'est ce que vous écoutiez ?

Oui et non. Voilà d'autres trucs qui nous rappellent vraiment à notre enfance ou ce qui s'y rattache, ou même des amours.

Piaf, Libertà, Tout ça, ce sont vraiment des chansons de notre enfance qui fait partie quelque part de notre enfance. Même si à l'époque, indirectement, on était inspirée plus par les groupes comme Muse et tout. Mais oui, Piaf donnait dans une énergie un peu rock. Ça a donné quelque chose.  Par exemple dans le premier album, Dakota c'était au phone x.

C'était un groupe qu'on aimait forcément. On a réussi à la reprendre, ce n’est pas forcément facile de reprendre des trucs qu'on aime beaucoup, de leur donner une seconde vie ou un détournement.

Et pour Jean-Luc Lahaye, femme que j'aime, ça nous faisait rire fait. A cette époque tout le monde faisait les morceaux à identique, et ceux-là personne ne les reprenait, parce que c'était pour eux un peu ringard.

C'était décalé. C'était déjà décalé pour nous alors c'était forcément décalé pour les autres, et c'était un plaisir pour tout le monde.

Et vous collez aussi à ce qui fonctionne parce que la maintenant maman bouge, parce que la maintenant vous chantez du Naps, à Marseille ça nous est cher.

Exactement !

On va vous expliquer la genèse. Parce qu'effectivement, c'était un morceau du moment. Et quand on avait entendu ce titre, je trouvais qu'il y avait une gimmique, ça groovait, il y avait un truc très sympa dans la ligne de chant, c'était sautillant. Il y avait un truc finalement très enfantin. Et c'est lors d'une soirée privée où il y avait pas mal d'enfants, qu'on a jeté le titre comme ça, mais sans le répéter les enfants de suite, ça a crié, tout le monde a chanté de suite. Wow ! Et quelques jours après, même pas une semaine après, je crois qu'on est rentré et on l'a enregistré.

C'était une période post confinement, il y avait un besoin aussi de sortir une énergie !

Les gens nous demandaient pourquoi vous ne faites pas des compos ?

C'est même le moment de lui faire un clin d'œil, à l'époque, avec notre premier bassiste, on faisait pas mal de sessions où on s'enregistrait, on mettait un téléphone ou un magnétophone et on s'amusait à faire des riffs, des collections musicales. Et il a dit prends le riff de lupanar, tu le mets sur Naps.

Et qui était censé être une compo qui n'était pas encore sortie mais c'est une compo de bande à part qui était derrière les fagots, qui était là. Mais il y avait ce riff assez fort, qui était accrocheur pour nous, qui était catchy.

Donc vous le calquer sur la musique de Npas ?

C'est ça, c'est à nous et on l'adapte, et on le met sur le cover. C'est pour ça que les gens disent "Ah vous ne composez pas ?" Si, même mieux ! Mais on a quand même la lucidité que quand il y a un titre qui est efficace, quand un titre a une pertinence comme ça, on se dit go. Nous, on a le riff, la musique qui va avec. Et toi tu as, tu as la mélodie, On va en faire une sauce et voilà.

Ça nous permet de changer les accords, de changer les rythmes, de s'amuser à déstructurer pour structurer à notre goût.

Vous êtes extrêmement stylé. Ça fait partie de l'univers que vous avez voulu créer. Vous avez parlé de cette première soirée, avec les perruques etc. Est-ce que c'est très travaillé tout ça ou est-ce que c'est par pure fantaisie, et vous êtes encore du genre à aller dans les friperies ?

En fait, non. Au début, c'est plein d'idées qui viennent comme ça, comme on disait que c'était parce qu'on dort à droite et à gauche. En fait, au début, il y a plein de choses qui sont nées comme ça, qui sont arrivées comme ça. C'est tombé du ciel et friperie. Aujourd'hui non, parce qu'effectivement on essaye de travailler sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Parce que dans tout ce qu'on a fait, il y avait beaucoup de spontanéité. Mais il y avait aussi des choses qui méritaient d'être réfléchies et améliorées. Quand, à l'époque, on faisait 60 dates, on faisait des petites, des grandes, des miteuses. D'ailleurs, c'est pour ça que le slogan de Bande à part, c'était entre le Gnole et Buenos Aires, entre palace et bidonville. On essaie de se dire : fais attention, là, il y a des choses spontanées qui sont bonnes. On garde. Voilà, c'est ce qu'on a fait dans le prochain album que vous entendrez certainement.

Et on a hâte. Alors, votre port d'attache, c'est ici, en Corse, à Ajaccio. Vous vous voyez vivre ailleurs qu'ici ou pas du tout ?

Mais peut être Marseille.

Pourquoi pas ? Marseille bébé !

Alors Marseille justement. Votre lien avec cette ville est très fort. Le public vous réserve toujours un accueil très chaleureux là-bas. Vous l'expliquez comment ce lien avec Marseille ?

On explique qu'on a une relation particulière avec Marseille, qu'on a commencé en 2009. On a commencé au son des guitares. Non on avait une expérience rock sur des scènes plus grosses, certes, on avait fait des grosses premières parties avec Blague à part, donc on est arrivés là, On est arrivé comme ça, on a un peu forcé la serrure. Et c'est vrai que les Marseillais vous avez toujours été fidèle et les années sont passées, vous êtes constant et peut être que aussi pendant des années et des années, on a été constant à venir régulièrement. On a quand même fait 8 ans le son des guitares

Les Marseillais vous adorent !

Et on adore les Marseillais et la ville.

Et de manière générale, vous vous sentez comment dans le Sud ? Sur le continent ?

D'une ville, d'une ville à l'autre, ça change. En fait, les ambiances sont différentes. Ils aiment faire la fête, c'est très vivant. On se comprend aussi. On aimerait tous Marseille, vous aimerez être en Corse.

On enchaîne sur votre actualité désormais. Le cinquième album est en cours de préparation et il est finalisé et il arrivera dans l'hiver. Des reprises, toujours ? Des surprises aussi ?

Des surprises. On espère des belles surprises. En tout cas, on est très fier. C'est la manière dont on a enregistré l'album, on l'a enregistré à la bande. Pour expliquer à ceux qui ne savent pas, c'était une méthode qui était faite dans les studios dans les années 70, un peu comme les grands groupes. On a parlé des Rolling Stones, des Beatles. Dans un très beau studio parisien aussi. On s'est retrouvés en laboratoire, le même principe de la cassette audio et ça donne une sonorité justement, ça donne des petits défauts, mais par contre, quand il y a quelque chose qui sort sur la bande, il y a quelque chose de magique qui se passe aussi en termes de sons, en termes de textures sonores, c'est moins lisse.

Exactement, quand il dit "des petits défauts", je dirais même des imperfections. Parce que ça crépite.

Et justement, avec Bande à Part, le terme nostalgie, ça se prête vachement bien avec nous.

On peut avoir un titre en avant-première ou pas du tout ?

Bien sûr, je pense aux valses de Vienne par exemple, de Feldman. Il y a une version de Téléphone, un autre monde aussi, beaucoup plus punchy.

La saison des festivals débute ou est ce qu'on peut vous voir cet été et comment être sûr de ne rien rater ?

Déjà, sur les réseaux sociaux ? Donc pour répondre à la question, on va jouer à Reims, on a une date en Suisse, Marseille bien sûr ! En Corse à Ajaccio début août. Après, malheureusement, il y a des soirées privées.

C'était bien de leur dire vous allez finir là-dessus avant de passer aux questions courtes. C'est vachement bien de rappeler qu'on peut vous avoir un tout petit comité chez nous.

Effectivement ! Souvent, les gens nous demandent mais est ce qu'on fait des concerts privés ? On fait les concerts privés et on et on aime ça, bien sûr.

À quel moment vous êtes-vous senti les plus heureux ?

Toujours quand on a accompli quelque chose. Quand album sort, et qu'il a un super retour. Après, le passé aussi vous ramène par exemple de savoir que dix ans après qu'on a fait quelque chose pour rigoler, pour s'amuser et que ce soit resté, on peut être fier de ça, vraiment ?

Oui, si ce n’est pas en période, on n'a fait que s'amuser. On avait enregistré ça en quelques jours, en trois jours. Quand vous voyez ça avec dix ans de recul vous vous dites putain, c'est vraiment chouette.

C'est quoi pour vous le sud ?

C'est un endroit qui ressemble à la Louisiane un peu, ou à l'Italie.

Vous vous voyez où dans dix ans ?

Place des grands hommes !

Si c'était à refaire, est ce que vous referiez les choses de la même manière ?

Ah oui, mais exactement, on referait la même chose. C'est pour ça qu'on raconte cette histoire ! Quand on a commis des erreurs, elles servent. Quand fait des belles choses, elles te servent aussi pour avance.

Merci beaucoup, on pense au troisième larron qui n'a pas pu être là aujourd'hui, et on attend avec impatience l'album. Donc automne hiver pareil, on aura l'info sur les réseaux sociaux rapidement et sur scène cet été ! Et une surprise sur scène au Théâtre Silvain, le 6 juillet à Marseille.

Oui, oui, une petite surprise sur scène. On n'en parle pas, mais il y aura une belle surprise !

Episode 9 - Charles OLLIVON - de Bayonne à Toulon !

Ce mois-ci rencontre avec Charles Ollivon, joueur international français de rugby à XV, qui évolue au RCT, le Rugby Club Toulonnais, et en équipe de France. De son sud natal, le Sud-Ouest, vous entendrez l’accent, mais durant cet entretien c’est son attachement à son Sud d’adoption qui prédomine. C’est à Toulon désormais, qu’il se sent chez lui, dans ce club qui l’a adopté il y a presque 8 ans. Et  c’est ici qu’il se voit s’installer durablement. Rencontre avec un immense champion.  
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Si vous deviez vous présenter à quelqu'un qui ne vous connaît pas du tout, qu'est-ce que vous diriez ?

Tout simplement que je suis originaire du Pays basque, que ça fait maintenant quasiment huit ans que j'habite ici dans le Sud-Est, à Carqueiranne et que je suis joueur professionnel au Rugby Club Toulonnais, en même temps, pour l'équipe de France aussi. Donc je commence à être habitué à vivre ici. Je me régale de vivre ici.

En faisant quelques recherches à votre sujet, j'ai pu lire que vous étiez né au Pays basque vous le disiez. Mais selon les sources, on nous dit que c'est à Bayonne ou à Saint-Pée-sur-Nivelle. Alors merci d'éclairer cette information quand même.

Je suis né à Bayonne le 11 mai 93 et j'ai grandi à Saint-Pée-sur-Nivelle toute ma jeunesse. J'ai fait toutes mes études, mes années à l'école de rugby, au lycée, etc, et puis je suis arrivé ici à 22 ans. Donc voilà, j'ai grandi au Pays basque et je suis arrivé à 22 ans à Toulon.

À Toulon, dans le Sud-Est. Mais votre Sud à vous, à la base, c'est le Sud-Ouest. On a quand même envie d'en savoir un peu plus sur votre enfance, là-bas. Et surtout, comment est née votre passion pour le rugby ?

Alors c'est très simple. Je suivais mes parents et mon grand frère, qui a trois ans de plus que moi. Lui avait commencé très jeune, vers cinq six ans à l'école de rugby. Et donc moi, je n'avais pas vraiment de catégorie parce que j'avais à peu près trois ou quatre ans. Du coup, j'ai essayé de trouver des copains avec lesquels jouer, et j'attendais que les grands veuillent bien m'accepter. Je jouais sur le côté jusqu'au jour où j'ai pu intégrer les premières équipes de l'école de rugby de Saint-Pée-sur-Nivelle et je ne me suis jamais arrêté. J'ai toujours continué. Après, j'ai passé les équipes cadettes et après je suis parti à Bayonne. J'ai rejoint l'Aviron Bayonnais pendant quatre - cinq ans à peu près et je suis parti à Toulon. J'ai fait toutes mes classes au Pays basque avant d'arriver ici.

Un peu de pelote basque aussi ?

Un peu aussi, chez nous, on n'avait pas le choix, c'était comme ça. A l'école, il n'y avait pas de terrain, de foot, il n'y avait pas de terrain de rugby, c'était simplement un mur à gauche et on se dépêchait de finir les cours ou de finir à la cantine pour pouvoir prendre la place au mur à gauche et pour pouvoir jouer les parties de pelote.

Ça vous a aidé pour le rugby ou pas ? Il y a un lien possible à faire ?

Oui, c'est beaucoup de dextérité. C'est la discipline un peu reine de la pelote basque, c'est une sensation particulière avec les mains. Et du coup, oui, je pense que c'est quelque chose qui m'a aidé pour ce sport qu'est le rugby, parce qu’il y a un toucher de balle un peu particulier, c'est un ballon ovale, ce n'est pas simple à appréhender.

Alors vous devenez un joueur pro, vous l'avez dit, quand vous arrivez au RCT, quelle a été votre première impression en découvrant ce Sud qui n'était pas le vôtre ?

Je m'en rappelle encore comme si c'était hier. J'étais arrivé ici au mois de juin. D'abord pour découvrir, avant de signer au Rugby Club Toulonnais. C'était une journée un petit peu particulière pour moi parce que je partais de chez moi, j'avais un petit peu de stress, j'arrivais ici, je découvrais. Je me rappelle une journée magnifique, ensoleillée. Il faisait 30 degrés, la végétation était différente du sud-ouest, le climat aussi. C'était plus sec, moins humide, donc un peu plus agréable aussi, il faut le dire. J’ai passé trois jours ensoleillés, ce qui n'arrive jamais d'affilée quasiment dans le Sud-Ouest. Donc à la fois des différences, mais à la fois des points communs, parce que la mer, la montagne etc. Ce sont des bons souvenirs pour moi parce que ça a été un très bon choix, peut être l'un des meilleurs de ma vie de signer ici.

Vous avez senti tout de suite que vous vous sentiriez bien ici ?

Exactement ! Pourtant, la première année n’était pas simple pour moi parce que je quittais mon cocon. J'étais en manque de repères, je venais à peine de faire 22 ans, j'étais un peu déboussolé. Moi qui avais eu l'habitude de connaître simplement mon pays natal. Donc c'est vrai que durant les premiers six mois, même si ça a été difficile, je sentais qu'il se passait quelque chose et que j'allais y arriver ici, parce que j'avais des bonnes ondes, des bonnes sensations.

Donc, même si c'était difficile, je savais qu'il fallait que je persévère et puis voilà, le travail a payé dans les années qui ont suivi.

Le slogan du RCT, c'est "ici, tout est différent". Alors j'avais en tête que c'était "parce que Toulon". Mais ça, c'était jusqu'en 2015 et depuis c'est "ici tout est différent", vous confirmez ? Ça vous parle j'imagine, vous disiez qu'il y avait des similitudes, mais c'est quand même différent d'être ici ?

Oui, oui, c'est différent, c'est un club à part. Je crois que c'est aussi grâce au fait qu'il soit différent, que ça marche. Il faut cultiver cette différence avec les autres clubs, il y a ce grain de folie dans ce club, un peu comme au football avec l'Olympique de Marseille. Je me rappelle qu'il y a quinze jours, on a fait l'arrivée au stade contre les Italiens de Trévise. On a traversé la ville à pied, les gens étaient survoltés. Une ambiance de fou, des fumigènes de partout ! C'est tout bête, mais comme on dit ici, tout est différent. Quand on vit des moments comme ça, ça donne la chair de poule et ça donne des émotions incroyables. On peut résumer ce slogan là en voyant des choses comme ça, c'est vraiment différent d'ailleurs.

Vous vivez des moments forts au sein de votre club et au sein de l'équipe de France aussi ?

C'est vrai.

Racontez-nous un petit peu cette arrivée en équipe de France, cet honneur de porter le maillot tricolore.

Alors ça a commencé très jeune. Ma première sélection je l'ai faite en novembre 2014, j'étais encore sous les couleurs de l'Aviron Bayonnais. Je n'ai fait que deux sélections et ensuite je suis arrivé à Toulon. La première année, je ne suis pas reparti en équipe de France. Je ne suis revenu qu'en 2016, un an après mon arrivée à Toulon. Ça se passait très bien. Je commençais vraiment à m'épanouir. Et puis j'ai eu une grosse blessure qui m'a sortie des terrains pendant deux ans, ça a été vraiment un coup d'arrêt. J'ai pu repartir pour la Coupe du monde au Japon en 2019. C'est vrai que j'ai eu une dynamique très positive et donc j'ai pu faire cette Coupe du monde au Japon. À la sortie de celle-ci j'ai été nommé capitaine, on est parti sur un mandat de quatre ans avec Fabien Galthié. Aujourd'hui, je me retrouve membre de l'équipe de France avec laquelle on prépare cette grosse compétition qui arrive en septembre 2023 en France.

Septembre et octobre Marseille est ville hôte. Il y aura même un match sur la pelouse du stade Vélodrome, ce sera France Namibie. J'imagine que ce sera forcément particulier de jouer ici dans le Sud ?

C'est sûr que ça sera particulier, pour moi encore plus je pense. J'ai fait ma première sélection au Vélodrome à Marseille quand j'avais 21 ans. Je m'en rappelle encore, c'était ma première. On a la chance dans une carrière de pouvoir participer à une Coupe du monde en France, chez soi. Je pense que ça n’arrive qu'une fois dans une carrière. Donc ouais, ça va être des moments incroyables. On sent l'engouement un peu autour aussi, qui commence à monter, une ferveur un peu particulière. Les gens dans la rue nous en parlent de plus en plus. L'équipe de France aussi, qui monte depuis les dernières années et commence à avoir de plus en plus de soutien et de pression aussi quelque part. Donc franchement, il me tarde vraiment beaucoup.

Et nous aussi. Alors je vais poser des questions de néophytes parce que je ne vais pas vous faire croire que j'y comprends quelque chose au rugby et être très honnête. Ça dure combien de temps, à peu près une carrière de rugbyman haut niveau, si tout va bien ?

Si tout va bien, on va dire quinze ans. On va dire qu'on commence à peu près dans les équipes premières aux alentours de 19 ans, et ça se termine aux alentours de 34-35 ans. Ça, c'est vraiment dans un cas confortable, avec une belle carrière assez longue, sans trop de pépins physiques, mais ça arrive souvent et de plus en plus parce que le rugby se développe et les corps aussi, le jeu aussi. Ça va de plus en plus vite, ça tape de plus en plus fort donc les carrières ont un petit peu tendance ces dernières années à se réduire sur la durée.

Vous avez déjà une petite idée de ce que vous allez faire après ? Est-ce qu'entraîner ça vous plairait par exemple ?

Pour être très honnête, je ne sais pas. Avant, j'étais beaucoup dans l'anticipation, j'aimais bien tout prévoir, j'aimais bien savoir ce qui allait se passer le lendemain. Et puis j'ai eu une grosse blessure en 2017 et ça m'a fait complètement changer de mentalité, parce que tu peux prévoir tout ce que tu veux, et il peut arriver quelque chose que jamais tu pouvais anticiper. Je suis passé pas loin d'arrêter le sport et le rugby parce que je ne pouvais plus continuer. Et ça m'a fait complètement changer. Je vis au jour le jour, je ne veux plus me projeter, peut-être à tort, mais je veux profiter de l'instant présent et aujourd'hui, je me régale. On a cette Coupe du monde de septembre et le futur, honnêtement, on verra plus tard. Ça m'a fait changer sur ça et on va d'abord faire les choses les unes après les autres, par étapes.

Une journée type de Charles Ollivon, ça ressemble à quoi ?

A 7 h et demi, réveil, j'arrive ici au campus, on prend le petit déjeuner. Ensuite, j'aime bien me faire une séance un peu avant, avant le début de la journée en salle de muscu, puis on passe en réunion à l'étage avec les coachs pour préparer la journée. Ensuite, on redescend ici, sur le terrain synthétique, pour faire une sorte de clarté. On répète des gammes en marchant. Puis, on va sur le terrain en herbe, qui est dehors pour faire un entraînement collectif et, sur les journées longues, on coupe, on mange à la cantine. Ici, on aime bien se faire un peu de soins dans les bains chauds, les bains froids juste à côté, ou alors passer avec les physio en kiné et enfin on a la muscu collective après la réunion séparée, juste à côté avant de rentrer chez nous aux alentours de 14h30-15h.

Et après c'est un peu de repos ?

Après, c'est à la maison ou à la mer. Ça fait beaucoup de bien, pour le corps. Voilà, c'est plus de la récup. Le mental aussi c'est important parce que les saisons sont très longues en top 14, puis encore plus quand on joue au niveau international. Ce sont des saisons éprouvantes et très longues. Donc il faut accorder une part importante au repos parce que c'est difficile pour les organismes et pour la tête aussi, il faut s'accorder des moments de repos vraiment coupés et penser à autre chose, faire autre chose, prendre du plaisir ailleurs pour pouvoir arriver le lendemain matin frais avec la patate quoi.

Alors Charles, sans rien renier du Sud-Ouest, d'où vous venez ? Est ce qu'on peut dire que c'est ici, dans le Sud-Est, à Toulon que vous vous sentez vraiment chez vous aujourd'hui ?

Ce que je peux vous dire, c'est que oui, aujourd'hui, ici, je me sens vraiment chez moi. Tout simplement parce que ça fait plusieurs années maintenant que je vis ici, que j'y ai vécu des choses compliquées, que je m'en suis sorti, et que je vis des moments incroyables depuis. C'est un parcours un peu particulier, mais les moments clés de ma carrière et de ma vie en même temps, je les ai vécus pas mal ici. Donc je suis vraiment très attaché à la région. J'ai vécu des choses très dures et exceptionnelles ici, je me sens vraiment chez moi et toute ma vie, cet endroit-là, sera dans mon cœur et j'y reviendrai toute ma vie, c'est une certitude.

A quel moment vous êtes-vous senti le plus heureux, le plus épanoui ?

C'est simple, c'est quand je suis revenu de ma blessure en 2019. C'est aux alentours du mois de mars avril 2019, j'étais juste heureux de pouvoir faire mon métier, mon sport, le rugby. J'avais une certaine adrénaline qui m'a tenue en haleine jusqu'à la Coupe du monde 2019, en rentrant pareil jusqu'au confinement 2020. Ça a été quasiment une année où j'ai vécu sous adrénaline. C'était incroyable, j'étais tellement tombé bas que du coup, le plaisir que j'ai eu après, c'était indescriptible. Franchement, c’étaient des émotions incroyables, en quelques mois, passer du fin fond du trou à une Coupe du Monde, représenter son pays, à l'autre bout du monde en plus, franchement c’était incroyable.

Désormais, lorsque vous voyagez pour le rugby, est ce que vous vous sentez ambassadeur du Sud ?

Oui. Tout simplement parce que l'équipe de France, ça rassemble différents éléments de France sous un même maillot. On représente la France, mais tout le monde sait d'où on est originaire. C'est tout bête, mais par exemple, quand il y a les compositions d'équipe, à côté de notre nom est noté celui de notre club. Pendant le tournoi des six nations, j'ai été le seul de Toulon, et à côté de mon nom, il y avait marqué Toulon. J'étais aussi fier de pouvoir représenter mon club, et le Sud. Et franchement, c'est une fierté. Parce que c'est vrai qu'il y a beaucoup de joueurs qui sont par exemple de Toulouse, de Paris etc et de pouvoir représenter Toulon au niveau international, ce n'est pas rien, surtout dans des matchs comme on a pu le faire là contre les Anglais à Twickenham etc, ce sont des grosses affiches et pouvoir représenter son coin de France, c'est sympa.

D'ailleurs c'est quoi pour vous le Sud ?

Pour moi, le Sud, c'est le soleil, c'est la Provence. C'est se lever le matin avec une belle journée et de l'énergie, forcément l'un va avec l'autre. Et voilà un grand sourire et juste être heureux de vivre. C'est ça pour moi, le Sud.

Je crois que vous n'avez pas du tout envie de vous projeter, c'est ça ?

Ouais, je vais être honnête, c'est un peu ce que je vais répondre à cette question. Être heureux au quotidien, me lever le matin avec ce beau soleil du Sud. Dans dix ans, je ne serai jamais loin d'ici. Ça, c'est une certitude. Je ne peux pas garantir que je serai ici, mais c'est possible que je sois dans les parages.

Et si c'était à refaire, est ce que vous referiez les choses de la même manière ?

Exactement de la même manière ! Que ce soient les bons moments ou les mauvais, surtout les mauvais. Je crois que je ne les changerai pas. Parce que ce sont eux qui m'ont permis de vivre les meilleurs moments que j'ai vécu ici à Toulon. Donc je ne changerai rien, c'est grâce à ces moments-là que je suis le moi d'aujourd'hui. Merci pour tous ces moments que j'ai pu passer ici à Toulon.

Episode 8 - Alessandra SUBLET - des plateaux télé aux hauteurs de Cannes !

Ce mois-ci rencontre avec Alessandra Sublet installée depuis deux ans sur les hauteurs de Cannes, dans le Sud cher à son coeur depuis l’enfance ! Un nouveau cadre de vie dont elle rêvait depuis longtemps pour élever ses enfants et mener à bien ses nouveaux projets. Car après plus de 20 ans à la télé, et alors que de son propre aveu, son égo était rassasié, Alessandra s’est lancée dans l’écriture et sera sur les planches, seule en scène, dès cet été au Festival d’Avignon. Elle aspire à aller à la rencontre du public pour distiller quelques conseils et principes de vie. Ni psy, ni coach, Alessandra veut juste humblement partager un peu de son expérience, elle qui n’a jamais manqué ni de courage ni d’audace ! Rencontre, entre le Tu et le Vous, avec une pétillante ambassadrice du sud au rire communicatif.  
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Alessandra Sublet, du petit écran au festival d’Avignon

Ce mois-ci rencontre avec Alessandra Sublet installée depuis deux ans sur les hauteurs de Cannes ! Un nouveau cadre de vie pour élever ses enfants et mener à bien ses nouveaux projets. Car après plus de 20 ans à la télé, et alors que de son propre aveu, son égo était rassasié, Alessandra s’est lancée dans l’écriture et sera sur les planches, seule en scène, dès cet été au Festival d’Avignon. Si elle n’embrasse pas la carrière d’humoriste, elle aspire à aller à la rencontre du public et distiller quelques conseils et principes de vie. Ni psy, ni coach, Alessandra veut juste humblement partager un peu de son expérience, elle qui n’a jamais manqué ni de courage ni d’audace ! Rencontre, entre le Tu et le Vous, avec une pétillante ambassadrice du sud au rire communicatif.

Alessandra, si vous deviez vous présenter à quelqu'un qui ne vous connaît pas du tout ? Que diriez-vous aujourd'hui ?

Alors déjà, je commencerais par cette phrase que je te dis aussi. « On va commencer par se tutoyer », parce que c'est pas parce que tu tutoies les gens que tu leur manques de respect. Et en l'occurrence, c'est quand même beaucoup plus sympathique.

Je dirais que je suis une fille qui a fait un métier à l'opposé de ce qu'elle était. Que j'adore me retrouver dans la campagne, cernée par le verre et le bruit des tourterelles, et que je suis très heureuse d'avoir atterri dans le Sud.

J'ajoute deux ou trois petites choses pour restituer quand même. J'ajoute que tu as occupé une place majeure à la télévision. Incroyable talent ! L'amour est dans le pré, Nouvelle Star, ça continue. Évidemment, C à vous, c'est Canteloup et j’en passe. De nombreuses émissions de variétés et à la radio aussi ponctuellement sur Europe un. La comédie ensuite. Ça aussi, on y reviendra. Quel regard portez-vous sur tout ça quand même ? Vous disiez que c'est à l'opposé de ce que vous êtes vraiment, mais il y a quand même un sentiment de fierté de tout ce que vous avez réalisé.

Il y a un sentiment de fierté. Ce que je voulais dire par « à l'opposé de ce que je suis », c'est que je n'ai jamais cherché la lumière. Donc forcément, quand elle est arrivée à moi, je ne me suis pas dit OK, c'est bon, j'ai réussi. Il y a une différence de génération entre la mienne. J'ai 46 ans et les jeunes d'aujourd'hui. C'est que la notoriété est un métier, et à l'époque où je faisais ce métier, ça ne l'était pas. Donc en fait, on travaillait, on s'éclatait dans ce qu'on faisait. Mais le but n'était pas forcément de signer des autographes à la sortie. En tout cas, pour moi. C'est pour ça que de revenir à l'anonymat, c'est pas du tout un chamboulement. Au contraire, ça a été presque une renaissance. Parce que je pense que ce métier m'est tombé dessus un peu par hasard et que j'ai profité pleinement de tous les jolis cadeaux qu'on m'a fait professionnellement. J'ai travaillé aussi. Je suis ravie de pouvoir m'offrir la vie que j'ai aujourd'hui. Il ne faut pas rêver, on n’a rien sans rien. Mais encore une fois, je crois que j'ai suffisamment flatté mon ego pour être sereine et tranquille aujourd'hui.

Vous parliez d'anonymat. Est-ce ce que vous avez retrouvé dans le Sud ? Les gens vous laissent tranquille ?

Oui. Déjà, je ne suis pas Beyoncé, donc globalement, on ne m'a jamais sauté dessus à la sortie d'un hôtel. Et tant mieux. Les gens sont gentils, ils sont bienveillants par les temps qui courent, c'est bien de le dire. Et moi, ça me touche parce que ce sont souvent des gens qui viennent me voir en me disant « Mais qu'est-ce que vous devenez ? », « Qu'est-ce que vous faites ? », « Vous nous manquez. » Ça me fait hyper plaisir et en même temps je leur dis que je m'occupe de mes enfants. Et j'ai ma petite vie tranquille. Voilà, j'adore aller acheter ma baguette le matin. Je suis une bonne française moi, je suis chauvine en plus, et je trouve qu'on a un magnifique pays.

Et j'adore cette vie qui est rythmée par le départ des enfants à l'école et le retour des enfants de l'école. Et au milieu de tout ça, j'ai toujours aimé écrire et pendant une année, j'ai vraiment pris le temps d'écrire.

C'est quelque chose que je n'ai pas dit d'ailleurs, quand j'ai précisé ce que vous avez fait. Effectivement, vous êtes auteure ?

Ouais, en fait, ça aussi c'est venu un peu par hasard. Le premier livre, T'as le blues baby c’était suite à la naissance de ma fille, et j'ai été très touchée par les témoignages que j'avais reçu de femmes qui n'osaient pas dire qu'elles étaient rentrées en dépression après une naissance, parce qu’une naissance, c'est joli. Quand vous mettez un bébé au monde, tout le monde vous dit que c'est merveilleux et qu'il faut être heureux. Ça fait partie des injonctions contre lesquelles je me bats un peu. Pas le poing serré et vent debout, mais juste en disant « c'est pas grave, on peut être une bonne mère et avoir été en dépression à la naissance d'un enfant. » Et ça a été mon cas, donc j'ai été très heureuse d'éditer ce livre. Et le deuxième, c'était J'emmerde Cendrillon. Donc, des années après encore une fois, sur les injonctions de la société, sur le fait d'essayer de décomplexer les gens, d'expliquer que quelque part, l'échec fait partie du long chemin qu'est la vie et que sans échec, il n'y a pas de réussite. Donc, c'est quelque chose que je portais, je pense, depuis très longtemps. Je n'avais aucune envie de faire la coach ou la psy. Je n'ai absolument pas la légitimité pour le faire.

En revanche, puisque la notoriété est là, si elle a une vertu, c'est peut-être de pouvoir aider ou éclairer les autres. C’est important de grandir avec son époque. Quand je te disais que je suis à l'opposé du métier que j'ai fait, c'est parce qu'effectivement je sors tellement du moule, que c'était compliqué pour moi de continuer à rester dans un dans un petit écrin bien rangé. Il faut être lisse. J'ai essayé de ne pas être ça, mais ça devenait trop compliqué, et trop pesant pour moi.

Cela dit, ça se voyait, cette authenticité, cette spontanéité.

Mais j'avais un producteur génial qu'est Pierre-Antoine Capton qui, lui, m'a laissé cette liberté. Très peu l'aurait fait et d'ailleurs, à l'époque, c’est marrant parce que j'ai gardé tous les articles, beaucoup étaient très misogynes sur la venue d'une femme à 19 h sur un talkshow, parce que c'était une première. D'autres qui parlaient du fait que je sortais de L'amour est dans le pré, que donc ce n’était absolument pas légitime que j'arrive à la tête d'un talkshow.

Pour moi - pardon parce que ça ne va pas dans le sens de beaucoup de femmes qui luttent contre ça - mais ça n'a jamais été un problème. Au contraire, je me suis dit la seule façon de contrer ces attaques, c'est de travailler et de montrer que le résultat est là, on a démarré à 45 000 téléspectateurs et quatre ans après, on en avait 1 million. La réponse, elle est là.

Encore une fois, il y a tellement de sujets aujourd'hui qui me font bouillir parce qu'on mélange beaucoup de choses aussi. Mais attention, la vraie réponse aux critiques, elle est souvent dans le travail. Moi, j'ai fait ce métier pendant 20 ans, donc après, forcément, ce n'est pas qu'on n'a plus rien à prouver, c'est que la réponse, elle est sous les yeux des gens.

J'ai toujours été très touchée par ce que les gens pouvaient dire de moi, dans la rue ou dans un resto, ou en vacances avec mes enfants. Et sincèrement, cette bienveillance me touche vraiment.

Tu es originaire de Lyon. Ta carrière à la télé et à la radio t’a amené à Paris pendant de longues années. Désormais, c'est donc à Cannes que tu vis. Pourquoi Cannes ? Pourquoi avoir voulu quitter Paris ? Et juste après, on parlera du comment !

En fait, quand j'étais enfant, avec mes grands-parents, les grandes vacances, c'était les Alpes-Maritimes et le Var. Pendant un mois et demi, j'étais au bord de la mer. Dans le sud, on avait un tout petit appartement, on s’empilait les frères et sœurs avec mes grands-parents, et c'était la vie rêvée. J'ai vraiment ce souvenir de mon grand-père que j'aimais énormément, qui me prenait par la main le matin pour aller boire le café. Pas pour moi, évidemment. Mais acheter le journal et traverser la rue et juste mettre les pieds dans le sable. Et je pense que ces souvenirs ont tellement bercé mon enfance que je me suis toujours promis qu'un jour j'irai boire mon café, j'achèterai mon journal et je traverserai la rue pour aller à la mer. Si vous questionnez les gens autour de moi qui me connaissent très bien et vous dirait bah oui, elle a attendu. Mais elle l'a fait.

Donc ça, c'est une première chose. La deuxième, c'est que quand on est en banlieue lyonnaise, on a plus tendance à descendre dans le sud qu'à monter dans le Nord. Et la troisième, c'est que moi, j'habite vraiment à la campagne, dans les hauteurs de Cannes, je n’habite pas dans la ville, je ne suis pas du tout citadine. Donc en fait le bruit de la circulation et du reste, ce n’est pas pour moi. Et d'ailleurs je n’ai jamais vécu dans Paris, mais c'est un vrai cadeau de la vie.

J'ai beaucoup d'amis qui sont ici depuis longtemps des Lyonnais. Je redécouvre cette région que je n'avais pas connu comme ça à l'époque, ou j'étais avec mes grands-parents Et comme je suis une amoureuse de la nature, je fais énormément de randonnées et donc, du coup, je pense que je vais devenir guide.

Ici, près de Cannes, il y a un environnement - je tiens à préciser à vos auditeurs que je ne suis pas payée pour le dire - mais il y a un environnement qui est extraordinaire. On peut marcher près de la mer comme on peut marcher dans la montagne. Il faut découvrir le Mercantour, vous découvrir l'Estérel. Il y a des balades à tomber par terre avec des coins formidables. Il n'y a personne en plus. J'ai cette chance d'habiter à l'année ici, donc de pas crapahuter en pleine saison. Et moi, ça, ça me remplit le cœur et la tête.

C’est bien de le dire, parce qu’il y a beaucoup d’a priori sur Cannes, le côté show off etc.

On ne va pas se mentir, il y a plus de 300 événements par an à Cannes, donc forcément, la plupart des gens qui descendent dans le Sud pour le travail viennent à Cannes et ne voient que Cannes qui est une très belle ville honnêtement. Mais vous allez à peine à cinq kilomètres autour et vous découvrez une nature à tomber par terre. Je suis tellement tombée amoureuse de cette région que ça m'a donné envie de passer mon brevet de pilotage. C’est en me disant que je voudrais partir du côté de Moustiers-Sainte-Marie, du côté du Lac de Saint-Cassien, du lac de Sainte-Croix que j'ai passé ce brevet. Et alors là, on a passé un step supplémentaire, parce que quand vous la voyez d’en haut cette région, ce n’est pas possible, de ne pas tomber amoureux.

Donc on quitte Paris à cause d’une saturation de job ?

Oui, et je pense que je commençais à gamberger sur la suite.

Quand tu fais ce choix-là, tu travailles encore pour C’est Canteloup sur TF1, et tes enfants sont à Paris. Comment tout ça s'organise ?

Alors en fait, on avait une maison à la campagne et on cohabitait avec le père de mes enfants avec qui je m'entends très bien. On a fait tous les confinements ensemble. On a vraiment participé en famille à tous ces moments extraordinaires qu'on a vécu, l'école à la maison et tout, et tout, comme tout le monde.

Sauf qu'on avait cette chance d'être à la campagne et donc ça a tout changé pour nous. Pendant le confinement, moi j'ai eu beaucoup de chance parce qu'on a continué C’est Canteloup, chacun dans sa maison avec Nicolas Canteloup, une caméra chacun et on envoyait le programme. Et ça fait tellement du bien aux gens, parce qu’il y avait quand même très peu de pastilles humoristiques à ce moment-là. C'était un petit peu anxiogène quand même.

Ça m'a donné une idée. J'ai appelé le producteur de l'émission qui est Jean-Marc Dumontet et TF1, et je leur ai dit « Si je trouve une caméra et un studio dans le Sud, est ce que vous m'autorisez à faire une semaine sur deux ? »

Donc là ils m’ont dit « Non mais quand même, tu as vu ce que tu nous demandes ?» Mais je crois que ça a été demandé avec tellement de gentillesse et pour le coup, je suis allée voir David Lisnard le maire de Cannes, et je lui ai dit, « Aidez-moi à habiter ici une semaine sur deux, trouvez-moi un studio ! » Et vous voyez, quand toutes les étoiles s'allument, c'est qu'il y a une bonne raison. À ce moment-là, David Lisnard me dit « Tu sais, Alessandra, on est en train de finir, de construire la cité audiovisuelle de Cannes et on a deux studios » et je dis « Attends, on appelle TF1 et Jean-Marc Dumontet et on leur dit »

Et ils ont été extras. D'abord parce que ça a été, je pense, un joli coup de projecteur pour eux aussi qu'on puisse tourner une émission qui faisait plus de cinq, 6 millions de téléspectateurs sur TF1 et moi effectivement, ça m'a permis d'être dans ma maison une semaine sur deux, ce qui était génialissime.

Et donc ça vous a donné envie d'y rester un peu plus, ce qui est le cas aujourd’hui.

Oui, je les ai prévenus très tôt, que ce serait à l'époque ma dernière année et je savais que je prendrais un chemin différent. Après, il fallait convaincre le papa de faire venir les enfants aussi ici, parce qu'encore une fois, j'ai de la chance, c’est un super papa qui aime profondément ses enfants et ce n'est pas forcément facile. Donc il m'a fait ce joli cadeau.

Il vient très souvent à la maison, et c’est très important. Un divorce, c'est toujours compliqué. Il n'y a pas un divorce plus facile qu’un autre, mais il y a une intelligence à avoir, c'est celle des enfants. En l'occurrence, ils n'ont rien demandé et nous dans notre idée, même si parfois on se chamaillaient, on se disait « OK. Qu'est ce qui est le mieux pour les enfants ? De pas trop bouger, OK. Et ensuite quand même cette qualité de vie la mer, le soleil, la montagne, le ski. » Parce que oui, on a pas parlé de ça mais à 1 h de Cannes on va skier et il y a de la neige.

Eh bien voilà, je pense qu'on a eu cette intelligence tous les deux. Et nos enfants, je crois pouvoir le dire, sont heureux.

On le disait tout à l'heure avec le brevet de pilotage, mais il y a eu aussi le permis bateau, le permis moto. Donc on sent que vous aimez les sensations fortes et être en plein air. Vous avez eu besoin à la suite de ces 20 ans de dur labeur, de profiter à fond, de tout tenter et de révéler votre vraie nature ?

Oui, moi, je pense que j'ai toujours été habitée par un sentiment de liberté énorme. Quand j'étais jeune, je ne savais pas ce que je voulais faire jusqu'à 24, 25 ans, 26 ans même. Mais j'avais un petit truc en tête, c'est que je me disais je ne veux pas être bloquée quelque part. Mais vraiment ça, ça faisait partie d'un leitmotiv chez moi qui ne m'a jamais quitté, c'est vraiment comme un petit oiseau, si vous m'enfermez dans une cage, je vais être triste à mourir. Il y a des gens qui aiment être enfermés dans une cage ils ont un cadre, ils sont bien, ils sont calés, ils ont un certain confort, entre guillemets. Par contre, quand vous discutez avec eux des années après, ils vous reprochent votre liberté. Et moi, j'ai juste envie de dire « Mais en fait, pardonnez-moi cette liberté-là, elle est accessible à tout le monde. Ce sont des choix qu'on fait dans la vie, ne sont pas forcément faciles parfois ». Le regard des autres est très pesant par ailleurs. Mais oui, le permis moto, c'est la liberté le pilotage et le brevet d'avion, c'est la liberté. Le permis bateau, oui, c'est la liberté. Quand on habite à la mer, on a envie de pouvoir voguer sur ces flots-là.

Et puis je suis une amoureuse de la nature, donc forcément j'ai envie de la voir en long, en large et en travers. Il n'y a pas besoin d'être écolo à 100 % pour aimer la nature. Juste regarder autour de soi et se dire qu'on a une chance folle. Et encore une fois, ah ça, je le ramène à toutes les régions. À l'époque où je faisais L'amour est dans le pré, on voyageait beaucoup et moi j'avais décidé de le faire avec les techniciens, donc je partais avec eux en voiture et on s'arrêtait. Franchement, je crois qu'on a fait toutes les villes de France et on a un pays de dingue.

Mais sincèrement, je le dis, je suis hyper chauvine. J'ai voyagé dans le monde entier. J'ai eu beaucoup de chance parce que, comme je ne savais pas quoi faire de 19 à 25 ans, j'ai voyagé. Mes parents m'ont dit « OK, pas de soucis, mais tu te démerdes.» parce que je ne suis pas née avec une cuillère d'argent dans la bouche. C'était le deal.

On a de la chance, et je pense que je pense qu'on ne le souligne pas assez et on ne le dit pas assez. On râle beaucoup, on râle mais ça c'est nous. C'est très français, mais regardons autour de nous.

En août 2022, tu disais à tes, plus de 350 000 abonnés, « vivez pour de vrai, bel été à vous », et tu mettais ton compte Instagram en pause. Et hier, ils ont eu le plaisir de voir un nouveau post, tu es de retour ?

Instagram, c'est un outil de communication extraordinaire. Certains l'ont mieux compris que d'autres. D'ailleurs, même à l'époque, mon compte Instagram, ce n’était pas « Tiens, je me fais deux oeufs le matin, regarde comme je les fais bien », on s'en fout. En revanche, il faut vivre avec son temps. Moi, j'ai eu besoin, vu que j'arrêtais toute activité professionnelle, de vraiment mettre ce compte à l'écart. Comme Twitter, comme Facebook d'ailleurs. Il y a certains comptes qui ont été carrément supprimés. J'ai gardé Instagram et effectivement, hier, il fallait que je nettoie ce compte.

Alors j'ai tout enlevé. Il n'y a plus qu'une photo de ciel bleu.

Et je suis en transit comme si tu étais en escale dans un aéroport. Et le prochain post, effectivement, sera la suite de mon aventure qui est totalement à l'opposé de ce que j'ai fait jusqu'à maintenant. Mais tu vois toutes ces démarches là, ça fait partie du travail que j'ai fait sur moi aussi pendant une année. C'est à dire que je pense qu'à un moment donné dans sa vie - moi j'ai 46 ans - on a peut-être besoin de se poser, de réfléchir. Tu m’aurais dit ça à 30 ans ? Je t'aurais dit « non mais lâche-moi, je n’ai pas besoin de ce recul-là. » Mais là, j'en avais besoin.

J'ai traversé pas mal de choses et du coup, et personnellement et professionnellement, et je me suis vraiment recentrée. Alors ce n’est pas parce que c'est d'actualité aujourd'hui, mais c'est parce qu'en fait, c'est tellement important de savoir ce que tu as vraiment envie de faire, qui tu es vraiment et ce que tu as envie de donner aux autres. Moi, j'ai cette chance d'avoir fait un métier qui m'a donné une notoriété pendant 20 ans. Je n’ai pas envie d'en faire n'importe quoi. Et je me suis dit « Voilà, c'est le moment, c'est vraiment le moment. » Donc hier, pour tout te dire, au moment où je me suis reconnectée, effectivement les gens se sont dit « Tiens, qu'est-ce qu'elle fait ? » Et moi, je ne pensais même pas que ça aurait cette incidence, c'est hyper mignon, mais c'était juste que je nettoyais ma vie d’avant, et je ne la renie pas, je suis très fière d’avoir fait mon métier pendant des années.

Est-ce qu'aujourd'hui tu peux en dire un peu plus ou est-ce que c'est prématuré ou au moins nous dire ce que ça concerne, l'écriture, la comédie ?

Alors le succès du livre J'emmerde Cendrillon m'a fait dire encore une fois que je n’étais peut-être pas sur la mauvaise piste, sur le principe de décomplexer les autres, d'envoyer balader un peu les injonctions de la société qui nous martèlent et qui nous empêchent peut être d'avancer. Et je me suis dit « Tiens, et si tu l’adaptais sur scène ». Ce n’est pas un one man show parce que je ne suis pas du tout humoriste et ce n'est pas ma vocation. En revanche, il y a deux choses qui m'ont manqué pendant 20 ans dans mon métier. C'est d'une, de voir les gens parce que vous vous m'avez vu, mais moi je vous ai pas vu.

Et d'aller à la rencontre des gens et la deuxième, c'est de dire vraiment ce que je pensais. Mais vraiment. Et vraiment, et encore une fois, sur C à vous je pouvais de temps en temps. C'était un talk show, avoir une question ou une réflexion pendant une interview, quelle que soit la personne et la célébrité que j'avais en face de moi. Avec Nicolas Canteloup, c'était de la rigolade pure et dure, donc l'opinion de Sublet, on s'en fiche. Mais en revanche, là, je pense qu'il était important pour moi d'aller prêcher en tout cas ces paroles-là, parce que je pense au fond de moi qu'elle peut faire du bien aux gens. Vraiment, il n'y avait pas du tout un appel de la scène, un appel de la lumière ou de la notoriété. C'était vraiment « J’ai des choses à vous dire ». Donc j'ai beaucoup, beaucoup travaillé. J'ai eu beaucoup de chance parce que le producteur de C’est Canteloup, Jean-Marc Dumontet, qui est un producteur de théâtre connu et reconnu, à Paris et en province, m'a dit « Fais-moi lire quand même. » Et c'était vraiment un embryon. Et il m'a dit « Bon. Alors, il y a du boulot, mais on va le faire. »

Et là tu te dis « OK, attends », ça veut dire que le chemin que je prends est pas totalement débile parce qu'il faut bien comprendre quelque chose pour tes auditeurs, c'est qu’un producteur, il a aucun intérêt à produire s’il pense que derrière ça ne marchera pas, ils ont des cartes à jouer. Donc ce n’est pas parce que tu es une fille sympa et cool et que tu as fait 20 ans de télé que le gars va te dire « viens on le fait ».

Donc il faut remettre l'église au milieu du village. J'ai travaillé et à chaque fois il me renvoyait ma copie. Ça a été dur. Honnêtement, je le dis parce qu’il y a des jours ou je me prenais la tête, au sens propre comme au sens figuré. Et donc voilà, ce sont ces balades ici, ces échappées sauvages qui m'ont permis de réfléchir à ce texte, de vraiment me prendre la tête et de me dire « Voilà, j'ai cette chance de pouvoir monter sur scène. Qu'est-ce que je vais dire ? » Et je ne suis ni psy ni coach. Je ne raconte pas ma vie du tout. Ça n'a aucun intérêt. Je veux dire encore une fois, les gens viennent me pas voir la vie d'Alessandra Sublet et donc il fallait que ce soit un bon mixte pour que ça prenne.

Donc ça a demandé du temps, de l'investissement, mais on est presque au bout. Et je suis super flattée et touchée et même pleine d'humilité, mais c'est pendant le festival d'Avignon qu'on va créer ces salles en scène, au Chêne noir, qui a un théâtre fabuleux à Avignon. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que je suis hyper fière, que je les remercie de me faire confiance et que maintenant, advienne que pourra.

Ce qui est sûr, c'est que je ne reviendrai pas à la télévision. J'ai vraiment fait tout ce que j'avais envie de faire et c'est génial. Mais cette nouvelle voix là, elle me permet d'être je crois, un peu plus, moi en fait, de me retrouver vraiment comme je suis et bien sûr que j'ai l'appréhension de la scène, et évidemment, ce n'est pas pareil. Les gens seront là en vrai, et il faut que tu remplisses les salles.

Mais voilà, j'ai encore une fois et ça s'appelle sauter dans le vide et tant que tu ne sautes pas, tu ne sais pas. Et c'est ce que j'encourage les gens à faire constamment et souvent les gens me disent « Oui, mais pour toi, c'est facile. » Non ! En fait, je l'ai fait depuis le départ ça, depuis mes 20 ans. J'ai pris des billets d'avion sans savoir que j'allais vraiment. Je suis rentrée dans un métier qui était pas du tout le mien. Même si mes parents étaient concessionnaires de véhicules de loisirs, ils vendaient des caravanes, des camping-cars. Mon grand-père faisait des toiles de tentes et ma grand-mère cousait. Donc tu vois ce que je veux dire ? C’est pas vrai, il n'y a pas de milieu social, il n'y a pas de « Pour toi, c'est plus facile. Et pour d'autres, non. » Non. Il faut effectivement savoir faire des choix, parfois prendre des risques énormes et se dire que même si on n'y arrive pas, ce n’est pas grave. En fait, c'est le début d'une certaine réussite. En fait, faut se bouger le cul. Oui, best conseil ever.

Donc on viendra à Avignon évidemment. Les répétitions commencent bientôt ?

Exactement, les répétitions commencent bientôt. J'ai beaucoup de chance parce que j'ai une merveilleuse metteure en scène qui est Anne Bouvier. Récompensée plusieurs fois en tant qu'actrice aux Molières et qui a déjà mis en scène Sylvie Testud et d'autres.

Et ça aussi, c'est une marque de confiance, tu vois ? C'est à dire que j'apprends, j'apprends un métier qu'est le théâtre et cette impression de repartir à zéro, elle me grise.

Alors mois j’en étais restée à la comédie. La dernière fois qu'on a eu un peu des nouvelles de toi, c'était ça. Donc je m'étais demandée déjà où ça en était-ce que tu as toujours envie de toucher à ça? Et puis, comme nous sommes à Cannes, la ville du cinéma, est-ce que le cinéma aussi t’attire ?

Ecoute en fait, c'est un peu step by step. Moi, j'ai jamais rêvé de tapis rouge et de grandes robes à talons. D'abord, je ne sais pas les porter. Je suis en espadrilles aujourd'hui déjà donc ça donne le ton.

Oui, on peut être au Majestic en espadrilles. En fait, je me dis si ça doit venir, ça viendra. Pour moi, la scène et le théâtre m'attirent vraiment. Il y a une proximité avec les gens que tu n'as nulle part ailleurs, sauf si t'es une rock star et que tu fais des concerts. J'ai joué dans un film pour Netflix qui va sortir à la rentrée et qui s'appelle Banlieusards 2, qui est la suite de Banlieusards.

Et encore une fois, j'ai eu beaucoup de chance. C'est Kery James et Leïla Sy qui m'ont fait confiance pour jouer une avocate. J'ai adoré. C'était super mais je m'enflamme pas. C'est à dire ? Je prends les choses comme elles viennent. J'ai dit non aussi à des projets, pas parce que je suis une diva, mais juste parce que je pense pouvoir te dire à ce micro que je ferai aujourd'hui uniquement ce qui me correspond.

Je n'irai pas chercher la gloire et les récompenses. J'ai eu beaucoup de chance d'avoir cette lumière sur moi pendant 20 ans. J'ai flatté mon ego et aujourd'hui j'ai appris à dire à mon ego qu’il pouvait sommeiller que tout allait très bien, parce que ça aussi c'est important et c'est un travail sur soi.

Dans mon métier, en tout cas pour avoir interviewé tous les animateurs et les journalistes que vous connaissez. Oui, souvent dans l'alcôve, entre deux bureaux avant de rentrer sur le plateau, certains me disaient « Mais moi, je ne me vois pas arrêter. Si j'arrête, on va m'oublier. » Tu vois, j'entendais des choses qui faisaient uniquement écho à son soi, mais au mauvais soi.

Parce que finalement, c'est celui qui, peut-être, te fera prendre le mauvais chemin. Moi, je crois pouvoir dire que j'ai pas du tout de problème pour me mettre à l'ombre. Et au contraire, sincèrement, je ne reviendrai jamais de façon aussi présente que je l'étais avant ça, ça ne me correspond plus. Et sincèrement, c'est parce que je suis.

Tu la vivais comment d’ailleurs la pression, parce qu'on imagine dans ces métiers-là, que tous les matins tout est remis en question par les audiences de la veille.

 

Oui, c'est vrai. D'abord, je pense que j'étais bien entourée. J'ai toujours eu des producteurs et même des patrons de chaînes qui ont été plutôt bienveillants. Et tu vois, ce sont des hommes. Tiens, je te fais une parenthèse comme ça entre deux portes. Moi, j'ai eu beaucoup d'hommes dans ma vie. Certains qui ont partagé mon intimité. Mais j'ai eu mon père, j'ai eu des cousins, j'ai un frère, j'ai des amis hommes formidables.

Je ne pourrais pas me passer d'hommes dans ma vie et pour autant, je suis une femme. Et j'ai lutté aussi, entre guillemets, pour pouvoir arriver à certains postes, entre guillemets peut être, oui, c'est vrai plus difficilement que certains hommes, mais encore une fois, le faire valoir, c'est une chose. Mais le faire valoir avec encore une fois le travail à la clé et la réussite à la clé, c'est autre chose.

Je fais cette parenthèse parce que pendant cette année de disette de communication, je me disais à quel point c'était quand même important de dire aux hommes qu'on les aimait. Voilà, ça n'exclut pas que certains soient des monstres. C'est vrai. J'ai participé récemment à un livre génial qui s'appelle 125 et des milliers. Effectivement, ou j'ai eu de la chance d'être la plume d'une victime de féminicide et bien sûr que ça me concerne. Mais attention de ne pas tout mélanger. Voilà donc comme tu me tends le micro je le dis et je referme la parenthèse.

Donc oui, tu peux avoir la pression certains matins quand tu te lèves contre les audiences, ne sont pas bonnes. A l'époque de C à vous, tu penses bien qu'une semaine sur deux ont été virés. On avait Le grand journal en face de nous et on nous disait « Bon là ça va pas suffire ». Eh bien on a tenu bon.

C'est génial d'avoir ouvert la voie à toutes ces femmes qui ont suivi.

Oui, c'est vrai. Et moi je regarde, je ne suis pas du tout téléphage, donc la télévision est très peu allumée chez moi. Encore une fois, c'est toujours les cordonniers les plus mal chaussés. Mais parce que bon, je lis plus que je regarde la télévision aujourd'hui et je me dis « Waouh ! Anne-Sophie Lapix, Anne-Elisabeth Lemoine, c'est un producteur qui a mis ces femmes là à l'antenne et il l'a pas fait parce que c'était des femmes. Il l'a fait parce qu'elles avaient un talent et que ce talent-là a servi une émission. » Voilà, merci.

Quelques petites réponses courtes pour terminer ce podcast. Est-ce que tu peux dire que c'est ici, dans le Sud, que tu te sens vraiment chez toi aujourd'hui ?

Oui.

Très courte cette réponse.

Oui, mais parce que j'ai aucun autre argument à ajouter à cela. Ça ne veut pas dire que tout le monde s'y sentirait bien. Mais si déjà tu arrives à trouver toi ton endroit et le mien, il n'était pas finalement très très loin. Je l'ai trouvé, j'y suis, j'y reste.

A quel moment t'es-tu sentie la plus heureuse, la plus épanouie ?

Au moment où j'ai compris que le virage à 180 degrés que j'allais prendre, elle et m'épanouir pleinement. Et c'était fou parce qu'à la fois c'était dur et à la fois c'était génial. En gros, c'est comme si tu pleurais et tu riais. En même temps. C'était il y a donc deux ans.

Désormais, à Paris ou ailleurs qu'ici, est-ce que tu te sens ambassadrice du Sud ?

Pas du tout. J'aurais pas du tout cette prétention-là. En revanche, dès qu'on me dit « Il fait quel temps chez toi ? »  J'envoie une photo, ça agace. C'est fou, mais toi qui habite Marseille, c'est la même chose. C'est à dire qu'on a quand même cette chance là. Pourquoi ne pas la prendre ?

D'ailleurs. C'est quoi pour toi le Sud ?

C'est vraiment la qualité de vie. C'est à dire que ce ciel bleu et ce soleil qu'on a aujourd'hui on l'a pratiquement toute l'année. Et ça, ça fait tellement du bien à la tête, quoi, mais tellement du bien. Mais tu sais, j'ai des amis bretons qui ont aussi le soleil parfois. Et qui sont très heureux et qui m'envoient des photos en échange des miennes en me disant « même pas mal ».

Trois fois par an.

Ah tu es mauvaise langue.

Où te vois-tu dans dix ans ?

Alors on fera la même interview au même endroit. J'aurais certainement fait d'autres choses dans ma carrière, mais au même endroit.

Avec joie. Si c'était à refaire, est-ce que tu referais les choses exactement de la même manière ?

Oui, pour une bonne raison, c'est que je ne regarde pas en arrière, jamais. Et quand parfois je me suis plantée, quand parfois j'ai pas fait les choses dans le bon ordre. J'ai rangé ma chambre et je me disais que voilà, il fallait avancer, que c'était la seule façon de s'en sortir. Non, je ne peux pas avoir de regrets.

Et ça, c'est une question qui n'était pas prévue. Mais c’est que ça m'inspire, ce moment passé avec toi, est-ce que tu as conscience que tu es l'incarnation parfaite d'une femme de ton époque ? Dans les choix de vie que tu as fait, que tu as assumé.

C'est marrant, pas vraiment. Mais peut-être parce que parfois je me dis en écoutant il y a des gens qui vont se dire « Bon elle est gentille mais ça va, on ne peut pas tous faire ça. » Et j'ai tout le temps peur de ça. Et en fait, après, je réfléchis parce que, en fait, je suis peut-être un peu plus intellectuelle qu'on ne le pense. Et je me dis « Mais si c'est ça qu'il faut faire et c'est ça qu'il faut dire ». Parce que, que tu sois dans le Sud, dans le Nord, à l'Est, à l'Ouest : trouves ton chemin. Et ce que tu me dis me fait vraiment plaisir et en même temps, et je ne le fais pas pour que les autres me trouvent chouette, tu comprends ? Je le fais vraiment parce que ça me rend heureuse et tant mieux si ça déborde sur les autres.

Cette audace et ce courage, on en prend un peu.

Tant mieux.

Episode 7 – Pauline Clavière, de la capitale au "village de Vauban"

Ce mois-ci rencontre avec Pauline Clavière, autrice et journaliste originaire de Nîmes. Pauline partage son temps entre Paris et Marseille où elle vit désormais avec son compagnon et leurs fils. Un choix de vie qui permet à cette inconditionnelle du Sud de trouver un parfait équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle : elle jongle entre écriture, plateau télé dans Clique avec Mouloud Achour et vie de famille, Pauline a réussi à mêler métier passion et ville de cœur. De la Capitale, au « village de Vauban » jusqu’à la Méditerranée, on vous propose de découvrir l’itinéraire d’une passionnée. Bonne écoute ! 
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Si vous deviez vous présenter à quelqu'un qui ne vous connaît pas du tout, que diriez-vous ?

Alors, je dirais que je m'appelle Pauline. Je suis trentenaire, jeune maman, autrice, journaliste aussi et que je vis à Marseille.

Alors justement, Pauline, vous êtes originaire de Nîmes dans le Gard. C’est ce qu’on apprend en faisant quelques recherches sur Internet, j'ai lu ça : « Originaire de Nîmes, où elle a grandi, Pauline se passionne pour la Méditerranée et le Sud de la France. » Ça c'est juste avant d'apprendre que vous rejoignez Sciences Po et que vous faites vos premières armes sur BFM. Moi, j'ai envie de revenir, évidemment, sur ce bout de phrase : « Elle se passionne pour la Méditerranée et le Sud de la France », c’est étonnant dites m’en plus.

Moi si vous voulez, je suis née dans un tout petit village. Je suis née à Nîmes, mais j'ai vécu les seize premières années de ma vie dans un petit village en Camargue, entre Arles et Nîmes. Un village qui s'appelle Générac, et je suis née au milieu des chevaux. On a toujours fait du cheval chez moi, on s'est toujours baladé dans des espaces immenses et il reste de ça quand même une espèce de nostalgie, quelque chose qui m'a accompagné, même aujourd'hui, vivant entre Paris et Marseille, et même avant quand j'habitais à Paris dans un petit appartement. Cette notion que, toujours en moi, il y a le souvenir de ces grands espaces, de cette nature assez sauvage. Et d'ailleurs, j'y retourne hyper souvent, que ce soit à Arles, en Camargue, à Nîmes aussi.

Et la Méditerranée ?

La Méditerranée, c'est comme, comment dire... J'en ai tellement rêvé. Parce qu'on habitait près de la mer, mais sans l’être, vous voyez ce Sud-là ? De Nîmes, c'était : « Oui, la mer est à une demi-heure », donc on passait vraiment toutes nos vacances en Méditerranée. Alors, c’était le Grau du Roi, l’Espiguette. C’était Sète aussi, Frontignan, enfin tous ces lieux-là. Mais ce n'était pas la même mer que celle qu'on peut croiser ici dans les Calanques, qui était tout à fait différente, qui étaient plus sauvage, dans son aspect. Un peu inhospitalier, je dirais. La mer de Camargue, la Méditerranée de Camargue, elle est un peu moins bleue et moins idéale. Mais oui, ça a toujours été un rêve. J'ai toujours voulu être plus près d'elle et la première fois que j'ai rencontré la Méditerranée, celle-ci, je pense qu'en fait c'était assez récemment parce que j'ai fini par découvrir qu'en réalité, la Méditerranée c'était aussi les Calanques. Et aujourd'hui, je dois dire que ça a pris presque toute la place dans la vision que j'ai de cette mer-là.

Alors oui, parce que le Sud de la France vous y vivez aujourd'hui la moitié du temps, à Marseille. Vous partagez votre semaine entre la cité phocéenne et Paris, est-ce que c'est nécessaire à votre équilibre, au-delà du fait qu'il s'est imposé aussi par votre rythme professionnel bien sûr ?

Oui, je pense qu'on se cherche un peu des prétextes parfois. Et pour moi, c'était presque écrit je dirais, de me retrouver évoluer dans le Sud parce que j'aime tout en réalité. Tout me ramène ici. La mer, ma famille aujourd’hui évidemment, mais si je l'ai construite ici et comme ça, je pense que c'était parce que j'avais envie de retrouver le soleil, et la mer, et ces lieux, et les gens, et leur accent, et la manière dont on vit ici, qui me va particulièrement, même si j'adore le fait de transiter entre les deux parce que j'y trouve un équilibre particulier.

Et d'ailleurs, c'est marrant parce que souvent quand je parle avec mes amis ou les gens qui me connaissent bien, ils me disent « Ah mais c'est parfait ». Et je me dis que, pour l'instant, à l'âge que j'ai et avec l'énergie que j'ai encore pour tout ça, oui, ça l'est. 3 h de TGV, c'est tellement rapide et à la fois je change d'univers. Ça me permet de faire le métier que je fais et que je ne peux pas faire encore, ou peut-être jamais ici, puisque je continue quand même à la télé trois soirs par semaine. Donc oui, franchement, je ne me voyais pas vivre ailleurs.

Donc votre temps professionnel, vous le partagez entre la télé et l'écriture. Je rappelle que vous avez écrit deux romans chez Grasset, « Laissez-nous la nuit » et « Les paradis gagnés ». Donc vous écrivez des livres et vous avez chroniqué des livres. Est-ce qu'on peut dire que Paris, c'est la télé et que Marseille, c'est l'écriture ?

On peut dire ça, même si Paris, c'est l'écriture aussi. Et c'est même le début de l'écriture. Parce que « Laissez-nous la nuit », mon premier roman, je l'ai écrit en 2020. J'ai commencé à l'écrire à Paris et pour moi l'écriture, ça a trait quand même un espace d'enfermement, qui avait trait à mon premier appartement aussi, qui était un petit T2 dans le 18ᵉ arrondissement.

Et je dirais que j'ai trouvé, à Paris en tout cas, la force et la légitimité pour écrire au contact de gens qui m'y encourageait, l'énergie que je n'avais pas dans le Sud, peut être poussée par une certaine flemme, une certaine envie de profiter. Et encore aujourd'hui, quand j'écris - là je me suis fait un petit bureau en bas de ma maison – le point crucial, c'était de ne pas avoir trop de vue, trop de distractions.

Voilà, j'aime bien les espaces, pour préserver ma concentration, assez confinée. Mais j'avoue que Paris y est pour beaucoup. Paris c'est l'ambition, c'est le professionnalisme, c'est la comparaison à bon escient je trouve, avec toutes les autrices, tous les auteurs que j'adore. C'est des discussions avec mes éditeurs, avec mon agent.

Donc c'est quelque chose de très stimulant pour moi. Et quand je suis toute seule à Marseille, parfois, même si j'adore cette ville, et bien toute cette beauté, toutes ces choses qui à priori me font tant envie quand j'écris, je ne sais plus trop quoi en faire quand je n'ai pas de projet. En fait, c'est un équilibre assez subtil où, si je n'ai pas d'autres choses à nourrir ça ne va pas, je ne sais pas quoi en faire.

Vous parliez tout à l’heure de votre bureau qui est fermé à toute tentation. Vous avez choisi de vivre dans un quartier de Marseille au charme fou, Vauban où on enregistre aujourd’hui de chez vous. Et de chez vous justement qu'entendez-vous, que voyez-vous, et que sentez-vous quand vous ouvrez vos fenêtres le matin ?

Alors c’est particulier parce que la maison est perchée sur la colline de Vauban et en réalité, on entend très peu la ville qui est pourtant juste en dessous. Le Vieux-Port est à 5 minutes en scooter ou en voiture, et pourtant moi j'y ai retrouvé quelque chose. Je suis née à Nîmes, et j'ai vécu dans une maison là-bas qui s'appelle la Cigalière et qui est une maison perchée aussi. Pour continuer sur ma métaphore de se percher, je me suis perchée à Montmartre à Paris, où j'ai vécu. Et j'aime bien les lieux qui culminent comme ça, qui dominent un petit peu la ville et qui restent quelque chose de très provincial, de très villageois comme c’était le cas à Montmartre, ou comme c'est le cas à Nîmes dans ce quartier-là, et comme c'est le cas ici en fait.

Donc on a des voisins, vraiment c'est presque la campagne. Il y a même un petit potager et un jardin partagé. C'est un univers très particulier, à la fois ouvert à toutes les possibilités de la ville, à la gare évidemment, et à tout ce que ça offre, et au port et à la mer. Mais en même temps, c'est comme un petit village. D’ailleurs on appelle le lieu, le village de Vauban.

Les quartiers de Marseille d’ailleurs on les appelle les petits villages, c’est 111 villages.

Oui c’est vrai, mais je comprends pourquoi. Parce qu'effectivement, il y a cette communication qui se met en place, qui est propre au quartier. Et moi, c'est arrivé en fait pendant le confinement et je ne connaissais pas du tout ce quartier de Marseille. Je connaissais très mal Marseille, mais tout de suite je me suis dit « mon Dieu, j'ai l'impression d'être dans un film d'Almodovar » qui est un de mes réalisateurs préférés. On est arrivé, c'était le printemps, donc les bougainvilliers commençaient à fleurir, et mon copain me disait « mais ça va pas t’as vu les escaliers, t'as vu la maison ? »

Ah oui c’est sûr qu’il faut grimper, ça se mérite !

Donc voilà, il y a tout ce truc-là. Mais, j'ai conscience d'une chose en tout cas, c’était pareil à Montmartre, la rareté se mérite. Ce n'est pas luxueux. C'est jamais ostentatoire. Mais en tout cas, ce sont toujours des lieux un peu exceptionnels parce que, pas forcément accessibles.Tu ne vas pas te garer devant avec ta voiture, c’est sûr. Mais voilà, il y a des choses que j'aime bien en tous cas moi ici.

Alors vous, l'auteure originaire du Sud, j'ai envie de savoir quels auteurs vous ont inspiré vous-même et comment la littérature, puis le désir d'écrire sont entrés dans votre vie ?

Il y en a tellement. En fait les premiers auteurs, ce sont des autrices.Moi, les deux grandes femmes qui ont inauguré mon entrée en tant que lectrice - avec qui j'ai commencé à lire vraiment, avec intensité, avec toute une concentration et pas juste pour me distraire, mais parce que j'y voyais vraiment une sorte d'émancipation - je ne suis pas très originale là-dessus, mais c'est François Sagan, évidemment, avec tous les livres « Bonjour tristesse ». Et surtout, en particulier un recueil de nouvelles qui n'est pas le plus connu mais que j'adore recommander à mes amis et aux gens dont je sais qu'ils pourraient y être sensible, le recueil s'appelle « Les yeux de soie ». C’est que des toutes petites nouvelles où en fait Sagan met en scène, comme elle sait le faire comme personne d'autre, des situations de la vie courante : un mari trompé, une femme qui s'arrête sur le bord de la route soudainement prise par un espèce de vertige de son existence qui ne lui va plus, d'ennui.

Et elle, elle fait ça avec à la fois une subtilité et une poésie géniales, mais en même temps très efficaces. C'est un vrai auteur de thriller Sagan, et je le dis parce que je trouve que souvent, on ne la voit pas comme ça, mais elle est tellement précise. C’est tellement bien fait que souvent, elle nous embarque partout où elle se pose. Et après il y a évidemment Marguerite Duras.

Et quand avez-vous osé, vous, écrire, et puis envoyer un manuscrit un jour à une maison d'édition ?

C'est marrant que tu le poses comme ça Caroline, parce que souvent, on dit ça : « Quand est-ce que vous avez osé ? » Comme s’il y avait quelque chose de l'ordre de subversif. J'ai remarqué que – et ce n’est pas du tout de mon fait - mais surtout chez des jeunes femmes, on ose moins. Je ne vais pas rentrer dans ce cliché, de dire « les femmes, on ose moins et tout », mais il y a quand même quelque chose de cet ordre-là, de la légitimité à aller chercher. Moi en fait, c'est purement par fantaisie. Et c’est là que je remercie un petit peu mon esprit finalement naïf, parce que ce n'était pas du tout revendicatif à l'époque, c’était un truc de me dire « tiens, j'ai envie d'écrire une histoire ».

Au départ, comme je cherchais ma légitimité - étudiante science-po, journaliste - je me disais « c'est très bien, je vais attaquer par ça ». Je cherchais un socle, et donc j'avais prévu d'écrire mon premier roman, « Laissez-nous la nuit », sous la forme d'un documentaire, que je proposerai par la suite à des journaux ou à des magazines. Et il se trouve que très vite, je me suis ennuyée.

Je me suis dit « non, mais ce personnage, je l'adore ». J'ai envie qu'il puisse aller « là », j’ai envie qu’il puisse dire « ça ». J'avais envie de prendre de la liberté en fait, que l'exigence de la narration documentaire ne permet pas. Donc tout de suite, j’ai eu envie de fictionner, je me suis mise à m'emballer.

Je me suis dit « mais qu’est-ce qu’il va se dire si j'écris ça, il va me prendre pour une folle, il va se dire que je n'aurais jamais dû faire ça ». Donc j'appelle mon confident - parce que c’était inspiré d'une histoire vraie - qui lui, sortait de prison parce que « Laissez-nous la nuit » il s'agissait de son histoire. Je lui dis « écoute, je vais prendre des libertés, si ça te va ». Il m’a dit « au contraire, tant que le fond reste celui qu'on a dealé, ça me va ». Et donc c'est comme ça que j'ai commencé à écrire.

Et puis le second tome encore. Et puis d'autres textes qui dorment dans mes tiroirs, ceux que je partage, ceux que je ne partage pas. Mais en tout cas, c'est devenu maintenant quelque chose comme quand j'étais enfant, parce que, même étudiante, j'écrivais beaucoup et adolescente surtout, je me dis voilà peut-être que ce texte servira. Il y en a d'autres dont je sais qu'ils sont dans des dossiers sur mon ordi et que pour l'instant, je ne sais pas trop quoi en faire. Je sais qu'ils ne sont pas adaptés tels qu'ils sont, mais j'y reviendrai. Alors parfois, je colle des bouts d'un sur un autre parce qu'il y a des premières intuitions qui ne sont finalement pas le projet final. Voilà, il y a tout ce genre de choses, quoi.

Donc là, on n'y reviendra tout à l’heure quand on va parler de votre actualité parce que vous êtes sur deux projets, et vous me disiez tout à l'heure en préparant cet enregistrement, que vous vous ennuyez quand vous n'écrivez pas. Donc aujourd’hui c’est une nécessité ?

Oui, je me sens inutile en fait, ontologiquement. C'est à dire que je sens qu'il faut qu’il y ait toujours un projet en cours, sinon j'ai l'impression que je n'ai pas de raison de faire ce que je fais quoi. J’ai l’impression qu’il faut toujours qu'il y ait quelque chose qui mûrisse quelque part en moi en tous cas, et qu'à un moment, il faudra que ça donne un texte.

Donc là, on est sur des sorties en 2024 ?

2024, 2025, parce qu’évidemment il y a des calendriers pour les maisons d'édition. Pour moi aussi, il faut que le texte soit corrigé, qu'on l’ait relu.

Il va falloir patienter un petit peu. Mais en attendant, on vous retrouve à la télé ?

Oui tout à fait.

Ça vous apporte quoi ? C’est tellement différent d’un travail solitaire d'écriture.

Oui, tout à fait. Paris, pour moi, c'était ça aussi. D’une manière très naïve c'était la télévision, c'était les Miss météo que je voyais quand j'étais petite, c'était le spectacle, le show. J'aime bien dire d'ailleurs que je suis intermittente du spectacle parce que je trouve que ça me ramène à ce truc très concret, du fantassin, de quelque chose de très simple. C’est pas du tout bling bling la façon dont on le fait, particulièrement avec Mouloud Achour et Clique sur Canal+. C’est une bande de copains qui travaillent ensemble, et d'ailleurs Mouloud Achour tenait beaucoup à ça et je l'en remercie, mais chacun a sa personnalité, chacun sa plus-value. J'ai travaillé avec des gens très différents, des profils toujours variés et spécialisés dans ce qu'ils font. Donc on n'est pas des gens de télé et c’est ça que j'apprécie aussi. C'est des gens qui ont des intérêts différents et qui viennent à la télé pour être ce qu'ils sont, mais ensemble. Et voilà, je trouve que ça donne une émulation assez géniale et qu'on ne voit pas trop ailleurs. En tout cas moi, c'est un univers dans lequel je me sens super bien parce qu'on ne me demande pas de jouer autre chose que ce que je suis et qu'à la fois il faut dire ce qui est, moi, je m'amuse beaucoup, on rit.

Donc oui, c'est un moment de respiration. Par exemple, quand je vais à Paris, je vais écrire une grande partie de la journée. Je vais me lever à 6 h, je vais travailler jusqu'à, allez, jusqu'à 16 heures, et je sais qu'à 16 heures je vais prendre mon scoot, je vais aller voir mes copains de Clique et qu'on va faire ça ensemble. Et c'est merveilleux.

Est-ce qu'on peut dire que c'est ici dans le Sud que vous vous sentez vraiment chez vous quand même ?

Oui, chez moi ce sera toujours le Sud. Alors il y a mes Suds. Il y a le Sud de mon enfance qui est celui de Nîmes et de la Camargue où je reviens très souvent, où je vais avec mon fils maintenant, avec mon compagnon, son fils aussi. Et j'ai toujours l'impression de leur livrer un peu un secret. Parce qu’eux sont marseillais pure souche, ils adorent, donc ils m'amènent dans les calanques, partout autour. On était à la Sainte-Baume le week-end dernier. Enfin, on adore se balader dans le coin. Mais je trouve que tous ces Sud-là ne sont pas du tout les mêmes, et à la fois je me dis quelle chance on a d'être né là, d'avoir vécu là, d'avoir cet horizon, cette mer Méditerranée à disposition pour écrire. Et c'est marrant parce qu'à chaque fois que je commence un nouveau texte, que je cherche, je vais marcher soit dans les calanques, mais surtout sur la corniche, très longtemps. Je vais sonder un peu mes idées, comme si le fait qu’il n’y ait rien sur la mer, que ce soit complètement dégagé là aussi, me permette de mettre en place un peu mes stratégies d'écriture, mes personnages et me permettent de dialoguer avec eux sans être trop entachée par d'autres distractions. Et j'avoue qu’on ne peut pas mieux se reposer, se détendre, que dans un cadre pareil. Et après, j’aime l'idée aussi que d'un point de vue purement humain, ce ne soit pas les mêmes humains. Je trouve.

Ah bon ?

Non, parce qu'à Paris ça peut être les mêmes personnes mais elles ne vont pas se comporter pareil à Paris et dans le Sud. Il y a toujours un truc. Je dirais qu'il y a - sans rentrer dans les grands clichés - mais il y a quand même quelque chose, ici, de l'ordre du jeu, de l'ordre de la détente. Moi, j'adore ce Sud-là. J'adore ces personnalités franchement, souvent très différentes de celles que je croise à Paris et du côté du sud camarguais.

Et vos origines régionales, vous disiez « c'est pas les mêmes humains entre Paris et Marseille », comment elles sont perçues dans le monde de l'édition et de la télé dans lequel vous évoluez ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on souligne encore aujourd'hui ?

Alors au début, beaucoup. Enfin non, je crois que dans la littérature on accepte à peu près tout, tout le temps, au contraire, c’est un milieu très ouvert pour ça. En revanche, en télé un petit peu au début. Bon j'avais un accent terrible aussi. Oui, oui ! Bon j'ai encore des « O » très ouverts tu sais je disais « rose », enfin ce truc-là quoi.

Ah oui, là on ne peut pas le soupçonner.

Non, là, ça va. Mais ça fait des années, j'ai quand même vécu 11 ans à Paris avant de revenir. Même si je faisais des allers-retours, toujours, j'habitais là-bas. Et puis, dans le métier que je fais aujourd'hui, l'élocution, c'est une chose à laquelle on fait attention.

Donc ça s'est sans doute un peu sophistiqué. Peut-être pas sophistiqué, mais en tous cas lissé, oui.

Mais on vous le faisait remarquer, est-ce qu’on vous a demandé de le corriger ?

Non, pas non. Sur les « O » un petit peu, on l'a eu fait sur mes premiers reportages, mais ça allait quoi. Mais je crois que moi aussi, j'avais tellement envie de me fondre au début.

Mais bon, je dirais que ça a toujours été un truc en plus. Je ne me suis jamais sentie discriminée parce que, venant du Sud. Non, non, vraiment pas.

Alors deuxième partie de ce podcast, les dernières questions. Je vais demander des réponses plutôt courtes, ce qui vous vient vraiment spontanément. Alors, à quel moment de votre vie vous êtes-vous senti la plus heureuse, la plus épanouie ?

Aujourd'hui, sans aucun doute, aujourd'hui, tout ce que j'ai me comble et me donne envie de l'après. Donc je pense que c’est déjà pas mal.

 Désormais à Paris ou à l'étranger, est-ce que vous vous sentez une ambassadrice du Sud ?

Alors à Paris oui, à l'étranger un peu moins. En fait, dans la mesure où ça m'accompagne partout, que c'est ce que je suis dans ma façon d'être, oui, un peu quelque part.

D’ailleurs c'est quoi pour vous le Sud ? Vous l'avez un peu dit tout à l’heure, vous avez dit « des Suds ».

Oui, moi j'ai plusieurs Suds. Il y en a deux pour moi, fondamentalement. Et j’en rajouterai même un troisième, même si ça arrive un peu à la fin de cet entretien. J'ai une partie de ma famille qui est d'origine cévenole, et ce Sud là des Cévennes, il me charme beaucoup aussi. Il est plus dur et plus austère. Il est moins facile, mais je l'adore aussi.

Vous vous voyez où dans dix ans ?

Plus en ville, toujours dans le Sud c'est sûr, j'espère, mais plus en ville. J'avoue que je commence à avoir un peu plus de mal avec le monde, l'urgence, le bruit. Je pense qu'on est nombreux dans ce cas-là aussi.

Et si c'était à refaire, est-ce que vous referiez les choses de la même manière ?

Oui, ça me paraît déjà assez fou que ça puisse aller dans ce sens-là et je trouve que j'ai eu beaucoup de chance. Certes, je n'ai pas démordu de tout ce que j'avais envie de faire, mais j'ai quand même eu beaucoup de chance. J'ai été bien aidée, vraiment.

Merci beaucoup Pauline.

Merci Caroline, Merci beaucoup à toi.

Episode 6 – Kid Francescoli, du stade à la scène

Ce mois-ci rencontre avec Mathieu Hocine plus connu sous le nom de Kid Francescoli, son projet musical. Sa musique et ses morceaux nous offrent l’espoir d’un été perpétuel ; la mer, le soleil et le Sud étant pour lui une source d’inspiration infinie. Marseillais d’adoption, très attaché à la Cité Phocéenne dont il a eu besoin de s’éloigner pour mieux la retrouver, Mathieu Hocine fait rayonner le Sud à travers le monde et nous sommes très heureux de l’avoir à notre micro aujourd’hui ! Bonne écoute !
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Si vous deviez vous présenter à quelqu'un qui ne vous connaît pas du tout, que diriez-vous ?
Que je m'appelle Mathieu, que je suis musicien, marseillais, que je fais de la musique sous le nom de Kid Francescoli et que je suis très heureux de pouvoir dire ça aujourd'hui ! C'était depuis tout petit un rêve de pouvoir répondre ça à cette question.

Alors, dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui et qu'avez-vous fait ces derniers jours qui vous ait rendu heureux ?
Je suis à la fois soulagé et excité, parce que je viens de finir le prochain album. Ça peut être long, ça peut être périlleux, on peut avoir des moments de doute affreux pendant la conception d'un album, et quand on arrive à la fin on a vraiment l'impression d'avoir accompli le plus dur. Donc je suis soulagé de l’avoir fait et très excité aussi parce que maintenant, on commence le fun puisqu’il va y avoir la tournée, la promo et la sortie des nouvelles chansons. C'est toujours quelque chose de très excitant. Je vais sortir de ce cocon qu’est le studio pour tourner un clip, aller prendre des photos de presse, faire la pochette de l'album. Tout ça commence à prendre vie.

Marseille compte énormément dans votre vie, dans votre carrière aussi. Dites-nous en plus sur votre enfance et sur le moment où la musique est entrée dans votre vie.
Alors d'abord pour clarifier une donnée très importante puisque tout à l'heure, j'ai dit que j'étais musicien marseillais parce que je me considère vraiment Marseillais, mais d’adoption parce que je suis né à Paris où je suis resté quatre ou cinq ans. Je n’ai absolument aucun souvenir de cette époque-là. Et après Paris, je suis allé vivre en Corse pendant deux ans puis je suis arrivé à Marseille vers sept ou huit ans. J'ai grandi dans un milieu qui n’était pas aisé, mais où je n’ai jamais manqué de rien. J'étais très heureux de grandir comme ça, tout seul avec ma mère. Mon enfance heureuse est basée quasiment uniquement sur la passion du football et de l'Olympique de Marseille. Il n’y avait que ça dans ma vie pendant une quinzaine d'années à peu près. Pour la musique, ça a démarré au lycée Michelet, qui était juste à côté de la maison. Au lycée, on commence à avoir des goûts musicaux autre que ce que les parents écoutent à la maison et surtout parce qu'on échange beaucoup avec tous les autres élèves. Ça fourmille de bandes qui aiment tel groupe ou qui aiment tel ou tel style. Quand j'ai commencé, je pense que mon éducation musicale, c'était surtout celle des parents et des grands parents. C'était beaucoup Michel Sardou !  Il était là, avec nous.

Comme dans beaucoup de foyers !

C'est fou parce qu’il n'y a pas vraiment de chansons que j'aime de lui, comme j'ai pu aimer après des chansons de Balavoine, de Barbara, de Gainsbourg qui est le maître absolu. Sardou, je n'ai pas vraiment d'amour sincère pour lui mais je connais beaucoup de chansons par cœur. Elles sont dans mon ADN. Les deux événements qui m’ont marqué au lycée, ça a été la découverte de Queen et du personnage de Freddie Mercury, ces immenses concerts à Wembley où je voyais ce mec quasiment tout seul sur scène qui avait 80 000 personnes dans sa main. Et puis Nirvana. J'étais sidéré, cloué sur place. Ça m'avait tellement marqué, j'étais vraiment pris dans cette énergie-là. J'avais déjà mon album un peu imaginaire, avec ma tournée imaginaire où je faisais des concerts un peu tous les soirs dans ma chambre. Je voulais avoir toute la panoplie, en fait.

Donc il y avait la musique et l'Olympique de Marseille, vous l'avez dit. On rappelle que c'est un joueur qui a inspiré le nom de votre projet musical ?

Enzo Francescoli. Oui. Les vrais amateurs reconnaîtront.

Est-ce que vous avez eu la tentation de jouer vous-même ?
Oui, j’ai joué beaucoup, je ne faisais même que ça. Je pense que quand j'étais au collège, je jouais plus au foot que ce que je faisais autre chose. A part sur le chemin pour aller de chez moi au collège et en cours, je jouais à la récréation le matin, à la récréation l'après-midi, entre midi et deux heures à la cantine, et mon grand-père m'avait fait des petites cages en bois pour ma chambre. A l'époque, je ne faisais vraiment que ça. Je jouais à la Blancarde avec entraînements le mercredi, match le dimanche pendant je ne sais plus combien d'années, jusqu'à la fac.

Alors Marseille, vous vous en éloignez parfois, mais vous y revenez toujours. Qu'allez-vous chercher ailleurs et que revenez-vous retrouver ici ?

Ça, c'est une bonne question. En fait, c'est un peu un résumé de ce qui s'est passé sur les trois derniers albums pour moi. Je suis parti pour la première fois en voyage, je crois que c'était à 18 ans, à Londres, où j'ai vraiment eu l'excitation de la découverte, des nouvelles cultures, la gastronomie, nouveaux endroits et tout ça. J'avais l'impression que je ne pouvais être inspiré que par ça. Dès que j'étais à Marseille je ne trouvais rien de vraiment excitant, ni inspirant. Et puis j'ai eu un choc quand je suis allé pour la première fois à New York. Enfin, je ne tenais pas en place à Marseille. J'étais un peu comme en apnée. J'attendais le prochain voyage. À cette époque-là, j'étais libre comme l'air et je gagnais ma vie en étant ingénieur du son, mais intermittent. Donc je pouvais gérer mon emploi du temps comme je voulais. J'avais vraiment l'impression que j'avais besoin de ça pour créer, pour composer. Et d'ailleurs, j'ai écrit beaucoup de morceaux de musique dans ces conditions-là, parce que j'avais toujours ce but de voyager pour faire de la musique. Je me souviens que quand on partait en festival avec des amis à Barcelone par exemple, je me disais : ouais, c'est bien, on est là en week-end à voir des groupes et tout, mais moi, ce que je veux faire, c'est jouer dans ce festival là, pas juste boire des bières et voir les concerts. Et en fait, j'ai continué à faire ça, jusqu'à ce que ça arrive, jusqu'à ce que je sois payé pour aller jouer en Espagne, ou à l'autre bout du monde, faire une vraie tournée. Et quand la vraie tournée est arrivée, il y a eu l'effet inverse. J'ai vu du pays, j'en ai eu pour mon argent. J'ai compris que l’herbe n’était pas plus verte ailleurs comme on dit, et que surtout, j'ai redécouvert toute la beauté de la ville, le plaisir d'être à la maison, avec ses amis, avec sa famille, avec sa copine au bord de mer, avec le soleil de Marseille, la lumière de Marseille. Mais il a fallu que j'aille jouer à Jakarta, que je fasse une tournée de dix dates en Allemagne. Et quand on fait dix dates en Allemagne on est très contents de rentrer à Marseille. Pareil quand on a fait une tournée en Chine. Marseille c'est vraiment la maison.

Donc c'est dans le Sud, aujourd'hui, que vous vous sentez vraiment chez vous ?
J'avais senti ça un peu à New York. C'était la seule ville où je me disais que je pourrais y vivre. Il y a une expression dans le Nord, ils disent tu pleures quand tu arrives et tu pleures quand tu pars et à Marseille, j'ai l'impression que c'est l'inverse parce que je suis toujours très content de partir quand je dois jouer à l'étranger ou même ailleurs en France. Mais par contre, je suis toujours très content de revenir.

D'ailleurs, vos origines régionales, elles sont perçues comment dans ce milieu ? Est-ce qu'on vous en parle ou pas du tout ?

Avec Marseille, on a quand même toujours un peu la même chose, soit c'est l'OM, soit le pastis ou les cigales, la bonne mère et tout ça. Et souvent on fait l'accent marseillais un peu quand vous parlez, vous voyez le truc. Là, c'est agaçant. J'essaie de couper court assez vite et de passer à autre chose.

Selon vous, quel morceau incarne le mieux Marseille et le Sud ?

Je ne sais pas. C'est compliqué de parler de ma musique comme ça. En fait, quand on écoute la musique, quand on est auditeur, il y a toujours des images qui viennent. Selon l'endroit où on les a découvert, les sensations ou les images qui peuvent venir à l'esprit quand on les écoute. Moi, j'ai plus des flashes des moments où je les ai composées, de l'endroit où j’étais quand je les ai composées. Peut-être que celui qui est le plus ancré dans Marseille, c'était « Eu Quero » sur l'album précédent, qui était chanté en portugais brésilien. Et c'est celui-là parce que c'était un été marseillais. On était tout le temps à Malmousque et on revenait ici pour enregistrer avec encore le sel sur la peau. C’est le souvenir que j’en ai.

Vous avez composé la bande originale du film Azuro de Matthieu Rozé, qui a été tourné non loin d'ici, sur la Côte bleue. C'est l'été justement, c'est la chaleur accablante, la lumière sublime. Est-ce que le sujet de ce film résonnait particulièrement pour vous ?

Oui, et c'est d'ailleurs grâce à ça que je suis arrivé à faire la B.O sans trop d'encombres et qui a fait que la composition a été très fluide et très agréable. Je rêvais depuis longtemps, comme tout musicien je pense, de faire des musiques de film. Il y a beaucoup de compositeurs de musique de films qui nous influencent. Ce n'est pas que c'est un Saint-Graal, mais c'est une corde en plus à l'arc, et une corde dorée. J'avais déjà fait quelques essais et je m'étais rendu compte de tous les ingrédients qu'il fallait pour que ça puisse coller. Le premier, c'était le sujet du film et les goûts et les demandes du réalisateur. J'avais eu des mauvaises expériences et donc, quand Matthieu Rozé m'a contacté, j'étais un peu refroidi. En fait, au début, j'étais un peu méfiant et je me disais que les musiques de film, ce n’était pas pour moi, que je n’y arriverai jamais. Et en fait ça a matché tout de suite parce qu'il m'a parlé du sujet du film et c'était banco. C'était le soleil, la mer, l'été, la Côte bleue, j’étais immédiatement immergé dans l'ambiance et c'était quelque chose qui me parlait. Il m'a parlé des morceaux qu'il aimait bien dans ma discographie. Il y a des chansons qu'on fait et qui sont un peu une succession d'accidents de studio, de coups de chance, qui arrivent de manière miraculeuse et il y a d'autres chansons qui sont un peu en nous en fait, qui ont été composées de manière très fluide, sans accroc, de la première note à la dernière. Et c'était le cas des morceaux que mentionnait Mathieu, c'était « Italia 90 ». Je l'ai composé assez vite et c'est un des morceaux que beaucoup de personnes aimaient, dont lui. Quand il m’en a parlé je suis tout de suite retourné en studio avant de voir quoi que ce soit du film, parce qu'il n'était même pas encore tourné. J’ai essayé de faire plein de morceaux un peu dans ce monde-là. Ce sujet m'inspire et c’est un sujet d'inspiration infini, le soleil, la mer, l'été. J’ai envoyé les morceaux très fébrilement et il a adoré tout de suite. Ça a été ça du début à la fin. Il n’y a eu absolument aucun trauma, aucun conflit. Ça s'est passé comme dans un rêve et surtout, j'ai eu la chance de pouvoir finir la B.O. avant le tournage du film. Et ça aussi, c'est important parce que je ne me voyais pas du tout composer sur les images.

Un mot de votre actualité ?

Il y a la sortie le 8 mars du premier single de l'album, qui s'appelle You Are Everywhere, que j'ai déjà commencé à jouer en concert pendant la dernière tournée. Et c'est un morceau dont je suis très fier. Moi, j'ai mon interprétation et les personnes, les gens, auront leur interprétation aussi. J'espère qu'il plaira au plus grand monde possible. En tout cas, je sais que sur ce morceau et sur cet album de manière générale, j'ai vraiment fait de mon mieux.

A quel moment vous êtes-vous senti le plus heureux et le plus épanoui ?

Pendant la dernière tournée aux Etats-Unis en tour bus, avec notamment la date à Los Angeles parce qu'à un moment j'ai eu une espèce d'épiphanie. J'avais un tour bus qui était garé devant une salle sur Sunset boulevard, avec des palmiers, avec des voitures décapotables et avec mon nom écrit sur la devanture de la salle : Kid Francescoli, sold out. Là, je me suis dit que je ne pouvais pas aller plus haut.

Désormais, à Paris ou à l'étranger, est-ce que vous vous sentez un ambassadeur du Sud ?

Ambassadeur ? Je n'irai pas jusque-là, mais par ma musique j'essaie de donner tout l'amour que j'ai pour ma région. Mais c'est plutôt inconscient.

C'est quoi pour vous, le Sud ?

C'est la maison, c’est la beauté et c'est la chaleur et le soleil et la lumière.

Vous vous voyez où dans dix ans ?

Dans le Sud, pour continuer à faire de la musique, continuer à être heureux de vivre près de la mer, profiter le plus possible et continuer à faire des tournées. Et si c'est trop dur physiquement, faire des musiques de films ici, au studio.

Si c'était à refaire, est ce que vous feriez les choses de la même façon ?

Oui. Il y a toujours des choses qu'on aurait pu améliorer, mais là, je vais sortir un nouvel album, on va encore faire une tournée mondiale. J'habite près de la mer en France. Je n'ai pas à me plaindre

Merci beaucoup.

Merci à vous.

Episode 5 – Sophie Ferjani, l'atout vitaminé pour Marseille!

Ce mois-ci rencontre avec Sophie Ferjani l’architecte d’intérieur la plus marseillaise des néo-marseillaises ! De ses vacances d’été dans la Cité Phocéenne alors qu’elle était enfant à son installation définitive sur les hauteurs de la ville il y a quelques années, Sophie Ferjani vit la ville en tribu. Son attachement à la Région Sud, ses projets, ses aventures télévisuelles, elle nous dit tout avec l’enthousiasme qui la caractérise et le sourire dans la voix ! Bonne écoute !  
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Si vous deviez vous présenter à quelqu’un qui ne vous connait pas du tout, que diriez-vous ?

Alors je suis Sophie Ferjani, née Godeau, c'est important parce qu'il faut se rappeler d'où l’on vient. Je viens du Loir-et-Cher, d’un tout petit village. De deux parents que j'embrasse très fort parce que tout ce que je suis, je leur dois. J'ai 45 ans, j'ai trois enfants, je suis maman de trois garçons. C'est ma priorité. Mon mari est mon amoureux depuis le lycée, depuis que je suis entrée en seconde, c'est important aussi dans son histoire. On vient de la région Centre, de Blois exactement.

Je suis montée à Paris, à 18 ans, pour faire mes études d'arts appliqués, ce qui était mon rêve. Je savais que je voulais faire du beau, du joli depuis que j'étais petite mais il fallait passer par Paris, c'était le centre de la création et des opportunités. Donc je suis restée 20 ans à Paris, parce qu'après le bac le travail se trouvait là-bas. Et au bout de 20 ans, on s'est dit que ce n'était pas notre rêve de vivre à Paris. On voulait juste bosser, nous accomplir professionnellement, sauf qu'on n'était pas très heureux, on n'était pas malheureux, mais ce n'était pas ce qu'on voulait faire. On ne choisit pas sa famille, mais on peut choisir où l’on va vivre, et donc on a décidé de se barrer à 40 ans avec mon mari. Il a quitté son job, il travaillait chez Conforama depuis 17 ans et il a tout plaqué pour monter le magasin « La sélection by Sophie Ferjani » avec moi à Marseille.

Et j'ai oublié de dire un truc, c'est que je fais de la télé ! Donc je suis décoratrice, architecte d'intérieur. En fait je fais du beau, voilà ma définition de qui je suis. Désolée Caroline, je ne sais pas faire des phrases courtes, je vous le dis ça va être très long notre interview.

Merci pour cette première réponse plein de punch et de soleil. Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui et qu'avez-vous fait ces derniers jours qui vous a rendue heureuse ?

Aujourd'hui on est lundi, le magasin est fermé, on fait un coup de fraîcheur et un coup de nettoyage de printemps tous les lundis. Donc j'aime bien, c'est mon petit jour où on est des petites fourmis, on s'active. Il fait beau, le ciel est bleu, donc c'est génial. Et ce qui m'a rendue heureuse ces derniers jours, c'était ça L'idée, c'est ça ? On a fait des goûters en famille parce que forcément, il y a eu samedi et dimanche, on a lu des livres. Mon fils est descendu en pleine nuit parce qu'il ne voulait pas dormir, on a été obligé de dormir avec lui, oh, c'est trop nul. On fait semblant de l'engueuler. Il ne faut pas qu'il écoute, mais on adore ça. Et j'ai soigné mon moyen parce qu'il a une gastro. Donc voilà, j'ai fait maman poule ce week-end.

Alors vous le disiez tout à l'heure, vous êtes née à Blois en 1977, loin d'ici. Nous avons forcément envie d'en savoir plus sur votre première rencontre avec le Sud, avec cette région et ensuite votre coup de cœur pour Marseille, là où vous avez posé vos valises en famille récemment.

Alors ma première rencontre avec Marseille, j'étais petite. Ça commençait vers 2 h du matin, on partait en vacances, donc en fait mon père se couchait tôt. On montait en voiture vers 2 h, mes parents nous avaient aménagé un espace pour dormir dans la voiture avec ma sœur, et pendant tout le voyage on dormait, on se réveillait vers 9 h et on était arrivé à Marseille. Voilà, c'est ça mon souvenir. Et ça sentait le pâté et le café. Si vous venez de la campagne comme moi, on ne part pas en long voyage sans une thermos de café, un sandwich au pâté et un sandwich à la rillette. Donc pendant tout le voyage avec ma frangine ça puait dans la bagnole et mon père ne supportait pas d’ouvrir les fenêtres ça lui faisait des torticolis. C'était absolument horrible et notre seul plaisir c'était d'ouvrir les yeux, on était arrivé le matin, on entendait les cigales et on était à Marseille.

Vous passiez vos vacances à Marseille ?

On ne passait pas toutes nos vacances. Mes parents étant modestes, la semaine ou les deux semaines de vacances qu'on pouvait se payer, on venait à Marseille ou dans la région, donc c'était Cassis, c'était autour, mais c'était ici.

Donc ce sont des souvenirs de baignades, de balades ?

Beaucoup de balades, randos et carte physique à la main. On partait, on n'en pouvait plus avec ma frangine et aujourd'hui, je le fais subir à mes enfants parce que c'est génial j'adore. Mais c’était surtout des balades et les calanques, à l'époque c'était En-Vau et tout à pied, on les faisait toutes, on passait par l'endroit où c'est hyper glissant, hyper dangereux. Aujourd'hui, on n'y passe plus.

On flippait « non maman, tu ne vas pas nous ramener là » - « mais si, mais si ! », on pleurait avant d'y aller. Et voilà, c'est ça mes souvenirs.

Vous avez fait le choix d’une villa avec vue mer sur les hauteurs de la ville, qu'entendez-vous, que voyez-vous et que sentez-vous quand vous ouvrez vos fenêtres le matin ?

Alors déjà, quand j'ouvre mon portail, ça coulisse ça coulisse, et à travers les arbres, je vois la mer et ça déjà, c'est fabuleux et fantastique, ça n'a pas de prix. Alors je n’ouvre pas les volets le matin parce que je dors avec les volets ouverts, parce que je vis vachement avec l'extérieur et le lever du jour donc je ne supporte pas d'avoir des volets fermés, ça me déboussole. Par contre, je dors beaucoup avec les fenêtres ouvertes dès qu'il fait un tout petit peu bon, ce qui arrive beaucoup chez nous. J'adore les bruits de la nuit, des oiseaux, j'adore le bruit des cigales, j'adore le bruit des grillons de tout ça, des feuilles parce qu'on a des platanes, les bruits d'une maison en général et les bruits de la mer. Alors moi je vis dans les quartiers nord, donc j'ai aussi des bruits de cité, mais tout ça, ça fait partie de ma vie et c'est ce que j'aime parce que c'est mon histoire à moi et c'est comme ça que je me construis, baignée de tous ces extrêmes, c'est comme ça que je suis heureuse. J'ai les bruits de la ville et j'ai les bruits des bateaux parce qu'en dessous de chez nous on a effectivement tous les bateaux de croisière qui sont là, des fois j’ai le droit à « on fait tourner les serviettes ». Le soir en fait c'est un truc de dingue avec le vent ou le mistral ou autre, vous avez l'impression d'être sur le bateau avec eux. Bon moi je ne suis pas très fiesta comme ça, mais c'est drôle en fait, ça nous fait rigoler. C'est pour ça que j'aime Marseille, c'est pour les éléments. J'ai besoin de me rattacher à la terre, à l'eau, au feu, à tout. Et de la maison j'ai sans arrêt devant les yeux, sous le nez, aux oreilles ? effectivement tous les bruits, toutes les vibrations marseillaises et surtout de la nature en plus de la ville, ce sont toujours ces contrastes qui me baignent. J'aime être sur la balance. Ça sent aussi les pots d'échappement des bateaux, on ne va pas se mentir mais voilà, c'est ça que j'aime à Marseille, c'est tous ces savants mélanges du bien et du moins bien. Et ça fait ce qu'on aime.

Ça fait combien de temps vous vous êtes installés à Marseille ?

Ça fait cinq ans et demi qu'on est à Marseille.

Pour les enfants ça a été évident ?

Non, pour les enfants, c'est comme tous les enfants hein ! Vous déracinez vos enfants en déménageant. Un enfant est attaché à sa maison, surtout moi, je suis très matérialiste, alors j'apprends à l'être moins avec mon mari, mais venir à Marseille, c'était : « comment ça tu nous enlève de notre école, de notre maison, notre jardin ! Mais jamais je retrouverai un jardin pareil ! ». Mais tu es fou ou quoi, tu es en banlieue parisienne, il faisait 100 mètres carrés, c'était nul, mais c'était fabuleux. Donc, au début, ils m'ont fait la gueule. Quand on est arrivé à Marseille, on avait loué vraiment en plein cœur de Marseille, à côté de Saint-Charles, aux Réformés exactement, on avait loué un superbe appart de 180 mètres carrés, magnifique, ancien, sublime, 3 mètres 70 sous plafond, avec de la marqueterie partout au sol. Ils sont rentrés, ils se sont mis à pleurer en me disant « oh c'est moche », ils n'ont pas du tout compris. Mais ils m'ont dit : « Maman comme on t'aime, on sait que tu vas faire quelque chose de joli, mais c'est moche ». Dons ils n’étaient pas du tout content de venir à Marseille et là, récemment, depuis un an, un an et demi, ils osent me dire : « ouais, c'est quand même mieux que Bondy », ça y est !

Vous partagez votre temps entre Paris et Marseille. Est-ce désormais ici, dans le Sud, que vous vous sentez vraiment chez vous ?

Alors, ça a toujours été ici, dans le Sud, que je me suis sentie chez moi et pas à Paris. A Paris j'y étais, je le savais,  en location de courte durée ou de longue durée, mais ce n’était pas chez moi. Marseille, je ne peux pas vous l'expliquer, mais c'est chez moi. C'est à dire que quand je suis venue petite, quand je me promène ado et quand j'y reviens femme, je suis dans les rues et je sais que c'est chez moi. Mais voilà, on ne sait pas dire pourquoi, mais c'est chez moi ici, voilà.

 

Alors on va faire un saut dans le temps. Sophie, vous êtes l'architecte d'intérieur la plus connue des Français grâce au petit écran. Vous avez failli l'oublier dans votre présentation de tout à l'heure et pourtant, tout a commencé avec « Maison à Vendre » aux côtés de Stéphane Plaza, dont le 100ᵉ numéro a été diffusé il y a peu je crois, mais aussi d'autres programmes comme 100 % Mag, 100 % maison, Téva, Déco et j'en passe. Racontez-nous cette aventure télé, Comment ça a commencé, ce qu'elle vous a apporté et ce qu'elle vous apporte encore ?

Déjà merci la vie parce que c'est génial. Après, dans la vie, il n'y a pas de hasard non plus. Tout ce qu'on obtient on l'obtient par le travail, je tiens à le dire parce que souvent j’entends : « elle a de la chance elle passe à télé », non ! Tout se provoque dans la vie. Quand on veut quelque chose, il faut aller le chercher. Ça a commencé, donc j'avais décidé de me mettre à mon compte au bout de huit ans où je travaillais, j'étais directrice artistique dans une société de publicité et on faisait de la déco, de la PLV, donc vraiment de l'événementiel pour des marques qui lançaient des parfums et tout. Il fallait raconter une histoire à travers la décoration, dans des pharmacies, dans des boutiques. Et je me suis dit j'en ai marre. En fait, il y a un rapport à l'argent qui ne me plaisait plus du tout.

Donc j'ai décidé de m'installer à mon compte et de travailler pour les particuliers. Une fois qu’on se met à son compte, c’est bien beau, ça y est je suis décoratrice, ok, mais qui est là pour l'entendre ? Et comment on le dit ? Parce qu'à l'époque, il y a 17 ans, les réseaux sociaux, ça n'existait pas, c'était des chats et des forums de discussion. Pas d'image à l'époque, on écrivait du texte. Et puis donc, pour me faire connaître, on avait acheté à plusieurs dans une vieille serrurerie en banlieue parisienne, et on avait refait des lofts. Donc déjà, les voisins le voient, ceux qui veulent acheter aussi : « oh mais c'est génial, qui est-ce qui a fait ça ? – Oh bah c’est moi - super ».  J'avais commencé à bosser comme ça et au-delà de ça, il fallait se faire connaître. Donc je m'asseyais le matin à mon bureau, à 8 h et demi, une fois que j'avais emmené mon petit à la crèche, parce que je me disais : « Non, tu ne t’endors pas sur tes lauriers, tu veux te mettre à ton compte ? Il faut bosser, même si tu n’as rien à faire, il faut bosser ! » Donc j'emmenais mon enfant à la crèche, je m'asseyais à mon bureau, et puis jusqu'à 18 h que je retourne le chercher, j'allais sur des forums de discussion, sur des chats, je faisais mon beau site, etc, j'essayais de nourrir tout ça. Et puis j'ai dû me faire connaître comme ça parce que j'avais créé un blog, le mot blog existait encore.

On m'a proposé un jour par mail, au bout de 1 an, 1 an et demi d'activité, de coprésenter une émission. Bah oui, bien sûr, quelle drôle d'idée ! Donc ils lançaient « Maison à Vendre » et ils faisaient un casting de décoratrice. J’ai su après que nous étions 80. Je me suis présentée au casting, on m’a filmé en train de me présenter, de montrer mon book, mes travaux et tout. Et puis ça s’est fait comme ça, j'ai été prise. J’ai rencontré Stéphane Plaza et on nous a jeté dans un appartement parce qu’il commençait lui aussi, on nous filmait pour voir comment ça matchait tous les deux, et on s'est super bien entendus et on a fait une fausse émission en live pour voir comment ça donnait. Puis on nous a gardé, enfin, lui était déjà gardé d'office. Le duo a pris tout de suite et ça fait quinze ans que ça dure.

J'avoue qu'au début, je l'ai fait juste pour me faire de la pub parce que moi j'avais mon activité et la seule chose que je voyais, c'était de la pub gratuite. Et je me disais : «  si tu passes à la télé, tu vas avoir des clients, c'est génial ! » Sauf qu'en vrai, dans la vraie vie, le home staging, c'était très nouveau en France. La décoration aussi, parce que ça faisait un an et demi que Déco existait avec Valérie Damidot, c'était récent. Et avant ça, on ne va pas se mentir, la décoration, c'était réservé à une élite, les gens pensaient que s’ils n’étaient pas blindés de tunes ils ne pouvaient pas se payer une décoratrice. Ça a complètement changé depuis. Et surtout avant, on s'achetait la patte du décorateur alors que ce n’était pas forcément notre style, il y avait un côté un peu impersonnel. Donc c'était très nouveau. Le fait de passer à la télé ne m'a pas aidé rapidement, parce que ce n’est qu'au bout de deux ou trois ans que j'ai commencé à voir les retombées. Les gens étaient juste curieux au début, donc je me suis accrochée, puis j'aimais ça en plus, c'était cool parce que Stéphane était quand même super sympa et on tournait en extérieur. C'était des bandes de copains, à chaque fois, des récréations et tout. Et puis au final, les clients ont commencé à rentrer. Mais je n’avais plus de temps pour prendre les clients parce que la télé m’accaparait. Ça a duré pendant de nombreuses années où finalement, j'ai fait que ça. Je gardais quand même deux ou trois clients par mois, mais je ne pouvais pas en faire vraiment beaucoup.

Ça vous prenait vraiment beaucoup de temps Maison à Vendre ?

Beaucoup de temps oui, la télé prend énormément de temps parce que là, par exemple, je suis sur la prépa d'une nouvelle émission. Il faut une dizaine de jours de prépa. Il y a quatre cinq jours de tournage donc sur un mois de 21 jours ouvrés de travail, ça va vite, ça prend 80 % du temps rapidement. Donc oui, c'est énergivore, mais c'est génial. La télé a commencé comme ça et j'ai commencé à me faire connaître gentiment, mais doucement. On a amené, en même temps qu'on s'est fait connaître, l'idée de home staging, de décoration, de vulgariser au sens propre du terme l'idée de la déco. Ça peut être pour tout le monde, ce n’est pas réservé à une élite et ça s'est fait gentiment.

Ma notoriété est montée de la même manière, gentiment, doucement, avec des sourires, avec des compliments. Ce n’est pas comme une poussée fulgurante où tout d'un coup on ne sait plus qui on est ni où on est. Ça m'a permis de toujours garder les pieds sur terre et donc je pense que je suis toujours la même personne sauf que j'ai un peu vieilli. Mais voilà, la télé, ça a été au début effectivement, de la pub. C'est devenu une passion, mon job à temps plein et aujourd'hui, c'est toujours ça.

Comment répartissez-vous votre temps entre la boutique ici à Marseille et la télé à Paris ?

Alors, dès que je ne suis pas en tournage, je reviens à la boutique. On va dire que les tournages aujourd'hui représentent moins de temps. Parce que mon Stéphane, qui est un homme qui bouffe la vie, veut tout faire. Du théâtre, de la télé, de la cuisine, pourquoi pas, des vacances, il en prend très très peu, mais des tournages, des émissions et des émissions et des émissions. En fait, il a de moins en moins de temps. Donc nous, ça nous a permis d'espacer un peu nos tournages récurrents. Du coup, je me partage, on va dire 40 % pour les tournages, seulement 20 % du temps à Paris. Les autres 20 % passent ici, soit dans mes bureaux, soit à la maison à travailler. Et puis le reste du temps, je suis dans la boutique ou dans le cabinet d'archi parce que j'ai le rôle de directrice artistique partout, je sélectionne tous les produits. Et puis le rôle de maman aussi, si vous avez des enfants, ceux qui nous écoutent, vous savez que ça prend beaucoup de temps.

Où en êtes-vous aujourd'hui ?On va faire un point sur votre actualité, on est fin janvier en tout début d'année.

Alors très honnêtement, j'ai plein d'idées, d'envies en tête, il n'y a rien de concret. Le truc, c'est que quand on a ouvert ici, tout le monde nous a demandé si on allait ouvrir ailleurs, à Lyon, à Bordeaux, à Grenoble. Bah non, j'aimerai mais je ne sais pas déléguer. Ça a toujours été mon défaut. Et comme je fais tout avec le cœur un peu façon vieille boutique de ma grand-mère, moi si j'ouvre à Bordeaux, il faut que j'aille à Bordeaux, si j’ouvre à Lille, il faut que j'aille à Lille. Donc ça, je ne sais pas me dédoubler. Peut-être que je changerai d'avis, mais en tout cas, aujourd'hui, je n’ai pas envie, et surtout pas de me franchiser, ce n’est surtout pas le concept. Je n’ai pas envie de me multiplier.

Par contre on avait envie de faire un développement linéaire rue de la République à Marseille, donc c'est pour ça que le cabinet d'architecte s’est collé à côté. Dans mon rêve fou, derrière j’aurai la menuiserie, on ferait une recyclerie et on retaperait des meubles seconde vie. Ça, c'est mon rêve depuis le début et c'est écrit dans mon projet d’il y a cinq ou six ans, même sept ans. Ça se fera ou pas. Mais s’il y avait cet atelier, on viendrait retaper ces meubles ensemble. Voilà, il pourrait y avoir plein de choses, une saladerie dans mon idéal aussi, on viendrait bouffer ensemble le midi. En gros, c'était un peu le village pas des bisounours mais de Sophie Ferjani.

Est ce qu'il y a des gens qui viennent d’ailleurs à Marseille juste pour votre boutique ?

Oui, juste pour la boutique ou juste pour le cabinet d'archi, bien sûr. Les gens se déplacent beaucoup même. D'ailleurs, je suis sur l'écriture d'un guide justement parce que les gens viennent. Parfois, le mari n’est pas tout à fait au courant, il croit qu'il va en week-end en amoureux. Mesdames, je vous le dis, ça marche parce que vous êtes beaucoup à le faire. Donc ils réservent un petit hôtel pas loin, et en passant devant ma boutique, elles font semblant le premier jour : « Ne me dites pas que c'est pas vrai, elle est là ? Oh chéri et si on rentrait dans la boutique ? » Et après elles viennent me voir en disant « Sophie, il est où le resto dont vous aviez parlé ? - Ah oui, c'est mon pote Michel, c’est à côté, c'est la trattoria ». En fait, je passe mon temps à réciter les mêmes choses. Donc du coup, je suis en train d'écrire un petit guide où je vais pouvoir laisser à mes clients en gros « deux jours à Marseille en passant par chez Sophie » ou Je n’en sais rien, mais c'est assez drôle.

A quel moment vous êtes-vous sentie la plus heureuse, la plus épanouie ?

Wow ! Euh. Je ne sais pas. Souvent, je me vois sourire comme une con en regardant le paysage assise sur une roche, en regardant la mer avec mon petit garçon à côté de moi aussi, un goûter le mercredi après-midi, parce que je lui dis viens on va marcher dans la montagne. Voilà, c'est tout de suite ce qu’il me vient en tête.

Désormais à Paris ou à l'étranger, est-ce que vous vous sentez ambassadrice du Sud ?

Oui, mais je pourrais faire mieux.

C’est-à-dire ?

Petit reproche, il me semble que je ne suis pas assez sollicitée. Alors après, est ce que c'est parce que je viens de Paris ? Mais je ne suis pas parisienne. Je pense que je pourrais faire mieux. Voilà, je ne suis pas assez ou conviée ou partagée, du genre il y a un nouveau musée qui ouvre ou un nouveau truc qui va ouvrir, on retape, je dis n'importe quoi mais La Poste à côté, là, moi mon truc, c'est de l'architecture. Moi mon rêve quand je passe et que je me promène en ville, c'est de rentrer dans les maisons pour voir et dire : « Oh, regardez-moi ce plafond, regardez-moi ce parquet ». En fait, c'est mon kiff de petite fille, de rentrer comme une petite souris, de découvrir des lieux. Pas par curiosité, juste parce que je suis fan de ça. Ils ont retapé la Poste à côté, mais pourquoi on ne m'a pas convié à un moment ? Quand ils font le truc avec les archi, je rêverais d'y aller et de parler de Marseille, de parler que c'est beau, que oui, on rénove des trucs. Donc voilà, c'est juste le petit reproche. Je pourrais faire beaucoup plus.

C'est quoi pour vous Le Sud ?

Le Sud ? C'est un tourbillon de mélange, de bonne humeur et de et de plein de choses. Marseille, c'est la meilleure représentation du Sud. C'est pour ça que moi je tenais à venir à Marseille et pas ailleurs, et qu'on me dit : « Ah oui, non, tu dis Marseille mais c’est Cassis ? » mais non, c'est Marseille.

Marseille, c'est ce port, c'est tout, par son histoire, par tout ce que ça raconte, par le quartier du Panier. C'est un ancrage profond et un mélange. Humainement ce sont des gens qui viennent de partout, de plein de cultures, même au niveau de la bouffe, au niveau du paysage, il y a un mélange de tout. C’est une énergie folle le Sud, pour moi, c'est ça ! Et puis c'est une grande claque dans ta gueule aussi, attends, calme-toi, assieds-toi et regarde. Ah oui, pardon, et on se tait. Et là, il y a la mer. Parce que finalement, il y a un coup de bourrasque et ne m’entend plus parler, même si je parle très fort et tout à coup hop, on ne m’entend plus. Et voilà, j'adore ça.

Et le Sud ? Moi, c'est ce qui me ramène fortement, encore une fois, je parle de valeurs et de nos sens, qui me rappelle constamment qu'on est de passage sur terre une courte période et putain mais cette maison que tu as achetée, peut-être qu’elle sera encore là dans 200 ans. Et surtout, au-delà de ça, la pierre, la roche sur laquelle tu es, et cette mer, et ce truc, et cette vague qui vient frapper, elle sera encore là, puis t’es rien pour elle. Donc en fait, je trouve que ça nous ramène toujours à beaucoup d'humilité.

Où vous voyez vous dans dix ans ?

Dans dix ans ? Toujours ici, bien sûr. J'avoue, je n'aime pas trop penser au futur à l'avenir comme ça. Moi, j'aime profiter de chaque jour et j'essaie surtout parce que ça a été mon défaut pendant longtemps et ça l'est encore un peu, de me dire bon, et après ça ? Et après ? Et après, y a quoi ? C'est pour ça que je vais si vite, que je parle peut-être vite, que j'ai toujours plein de projets. Mais j'essaie de me poser un peu. C'est pour ça que j'ai voulu venir vivre à Marseille parce que, comme je le disais, ça me calme. La présence des éléments est tellement forte et ça me permet d’essayer de me raccrocher au moment présent. Donc voilà, dans dix ans j'espère que je serai toujours aussi épanouie. Mais je n'en doute pas, parce que j'essaye de m'entourer d'éléments ou de choses ou de personnes qui font en sorte de se sentir heureux au quotidien.

Si c'était à refaire, referiez-vous les choses de la même manière ?

Oui, il ne faut rien regretter dans la vie. Oui, on est ce qu'on est parce qu'on est passé par là où on est passé.

Episode 4 – De « Dix pour cent » à « Ici Nougaro » : Grégory Montel, l’acteur attaché au Sud

Ce mois-ci rencontre avec le comédien Grégory Montel qui ne s’éloigne jamais trop de Digne-les-Bains, sa ville natale. Il nous raconte comment il s’y implique dans la vie culturelle avec le cinéma « Le Top » dont il souhaite faire un vrai lieu de vie artistique ouvert à tous. Celui que vous connaissez sans doute grâce à son personnage de Gabriel dans la série « Dix pour Cent », revient sur les planches pour un hommage à Claude Nougaro.
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Si vous deviez vous présenter à quelqu'un qui ne vous connaît pas du tout, que diriez-vous ?

Je me présenterais en disant Bonjour, je m'appelle Grégory Montel. Je dirais d’où je viens, car c’est important. Je viens de Digne-les-Bains, c'est l'endroit où je suis né. Plus globalement, je suis un acteur de théâtre, de cinéma, et aussi un acteur du territoire parce que j'ai envie de m'engager. Ça m'intéresse.

Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui et qu'avez-vous fait ces derniers jours qui vous a rendu heureux ?

Je vais plutôt bien aujourd'hui. Hier, j'allais moins bien parce que je fais un métier difficile qui met souvent les nerfs et la confiance à l'épreuve. Hier soir, j'ai bien travaillé. J'ai appris mon texte ce matin, j'ai amené mes enfants à l'école et du coup, ça va mieux. Mais il y a toujours beaucoup de mauvaise conscience dans notre métier parce que c'est un métier où on ne cesse jamais de travailler.

Vous êtes né à Digne-les-Bains, dans les Alpes de Haute Provence, en 1976. Elle ressemblait à quoi votre enfance dans une famille de commerçants ?

C’était une enfance un peu rêvée. J'avais des parents et des grands-parents aimants. Je me souviens de ma grand-mère paternelle chez qui j'allais manger tous les midis et où j'allais dormir le soir. Donc j'étais heureux. J'avais beaucoup d'amis avec qui je faisais du tennis, du rugby, du football, de l'athlétisme. J'ai eu cette chance qui m'a probablement donné un équilibre personnel. Donc j’ai vécu une enfance heureuse. Ce n’est pas très original. J'ai compris plus tard que tous les enfants ne sont pas aussi joyeux.

À Digne, qu'est-ce que vous sentiez quand vous ouvriez les fenêtres le matin ?

Tout dépendait de l'époque. Quand j'ouvrais les fenêtres de la maison au printemps, évidemment, c'était l'odeur. Et je pense aux oliviers systématiquement. On avait un petit jardin à la maison où il y avait beaucoup d'oliviers et mine de rien, l'olivier a une odeur. En hiver, c'était l'odeur de la fraîcheur matinale, de la rosée du matin. Parce qu'à Digne, il peut faire très froid, c’est à 700 mètres d'altitude au milieu des montagnes.

Nous enregistrons à Marseille, on est dans un très joli bar d'hôtel. C'est ici que vous vivez désormais. Est ce qu'il vous arrive d'imaginer vivre ailleurs qu'ici ?

Non. Je me pose souvent la question de savoir si je suis plus heureux ici ou à Paris. Ça va vous étonner pour quelqu'un du Sud comme moi mais Paris me manque beaucoup. Dans les métiers de l'art et de la culture en général, il y a une émulation très forte. C'est un sujet qui est presque permanent. À Marseille, on parle de choses tout aussi importantes mais qui ont davantage un rapport avec l'eau, le temps et le soleil. Et c'est formidable ! Je suis en train de me rendre compte à quel point il se passe des choses à Marseille mais ce n'est pas encore rentré dans mon inconscient car je pourrais sortir tous les soirs si je le voulais et voir les plus belles pièces de théâtre.

À Paris, justement, comment vos origines régionales étaient perçues à vos débuts ?

Très rapidement, surtout quand on fait de la comédie, les gens sont systématiquement obnubilés par l'idée de l'accent. J'avais probablement davantage d'accent lorsque je suis arrivé à Paris en 2001. C'est très agaçant cette chose-là. Paris est Paris, il y a un fort sentiment de supériorité. Le côté province, ça continue de les faire beaucoup rire. C'est comme ça.

L’accent s'efface avec le succès, on vous en parle moins ?

On m'en parle moins parce que j'ai l'impression que l'accent s'est un peu dissout. Mais ça reste un sujet. 

On va faire un saut dans le temps pour comprendre la genèse de votre parcours. Impossible de ne pas évoquer cette révélation pour le théâtre, alors que vous aviez treize ans seulement, on vous a proposé le rôle de Chérubin dans « Le Mariage de Figaro » de Beaumarchais. 

Eh oui, je pense à la professeure de français qui m'avait fait travailler cette pièce que j’ai revue récemment. Elle m’a montré des photos de cette expérience.[AA1] 

Comment avez-vous vécu cette première expérience de comédien ?

Sans tomber dans le cliché, la scène est un truc assez unique. C'est à la fois une grande solitude et en même temps, il y a plein de gens qui vous regardent, donc c'est très étrange. Je me rappelle que je suis entré sur scène et j'ai muté en quelque sorte. Il y a un truc dans mon cerveau qui a muté.

Je me suis montré comme jamais, ni auprès de mes professeurs, ni auprès de mes amis. Pour la première fois, j'ai été totalement probablement moi-même. Donc ça reste dans mon cerveau.

J'ai vite refermé cette boîte parce que ça fait peur d'être sans filet, sans filtre. Donc j'ai vite mis un couvercle là-dessus. Ensuite j'ai fait mes études bien sagement. À l'issue des études de droit, j'ai réouvert la boîte de Pandore. Je me suis dit que j’allais faire sortir le petit diable qui était en moi, le petit clown.    

J’ai senti que j’avais du talent.  Il n'était pas énorme, mais j'étais très volontaire. Et surtout, je me suis rendu compte que, tout en étant très feignant, j'avais énormément de pugnacité. Quand on est comédien, c'est important d'être pugnace et de se dire que ce n'est jamais perdu.  

Puis il y a eu le cours Florent à Paris, la rencontre avec Dominique Besnehard et évidemment le rôle de Gabriel Sarda, l’agent de stars dans la série « Dix pour cent ».

Est-ce qu'on peut dire que ce rôle de Gabriel Sarda dans « Dix pour cent » a changé votre vie ?

Bien sûr, ce rôle a changé ma vie ! Je pense que ce personnage de Gabriel n'aurait pas été aussi évident si, derrière, il n'y avait pas eu le travail mené avec mon ami cinéaste Grégory Magne. Son film, qui est très important pour moi, s'appelle « L'air de rien », m'a permis d'être révélé auprès du public et de la profession. Si je n'avais pas fait ce film, Cédric Klapisch, le cinéaste qui a tourné les premiers épisodes de « Dix pour cent », ne m'aurait jamais repéré. Ce personnage de Gabriel Sarda, il était fait pour moi.

Il vous ressemble ?

Gabriel Sarda me ressemble énormément, donc on s’est amusé avec ça.

Votre actualité, c’est votre retour sur les planches au Théâtre des Bernardines avec la pièce « Ici, Nougaro » ?

Oui j’ai hâte de présenter cette pièce au public ! Je suis fan de Claude Nougaro. Il a raconté plein de choses sur la vie artistique, l'engagement artistique, l'engagement même physique pour un art.

Mon ami, Charif Ghattas, a écrit un texte qui s'appelle « Ici Nougaro ». La pièce raconte l'histoire d'un certain Matthias qui est un sosie un peu raté de Claude Nougaro. C’est un artiste déclassé en quelque sorte, une sorte de gilet jaune du monde artistique, quelqu'un de déclassé d'abord amoureusement, ensuite professionnellement, puis globalement, socialement et qui, à travers l'amour éperdu pour Claude Nougaro, va quand même réussir à ne pas perdre pied.

C'est un très, très beau texte, très poétique, dans lequel on chante accompagné de Lionel Suarez qui est un musicien que je connais depuis une dizaine d'années maintenant et qui est un immense accordéoniste.

Retour aux sources à Digne dont vous ne vous éloignez jamais trop avec ce merveilleux projet de réhabilitation du cinéma « Le Top ».   

C'est un projet de longue haleine. Je n'avais pas prévu ça au début. Je n'ai pas pensé que ce serait si long. Un projet comme cela prend du temps parce qu’il bénéficie de pas mal de subventions. J'en profite d'ailleurs pour remercier la Région Sud qui est un des principaux partenaires.

« Le Top » doit servir à redynamiser le centre-ville. Digne est une ville moyenne qui souffre énormément en son cœur à cause de la concurrence des centres commerciaux. La ville s’est paupérisée. Je fais partie de ces gens qui pensent que les arts et la culture sont de nature à participer au dynamisme d'un cœur de ville. Donc l'idée est de racheter ce cinéma qui est sur la place de la ville et d'en faire un lieu moderne, attractif, vivant, culturel, artistique.  

 À quel moment vous êtes-vous senti le plus heureux ? Épanoui ?

Évidemment, dans des moments personnels, dans des moments très forts de vie, des naissances par exemple. Mais je me sens très heureux sur scène, c'est banal ! Mais sur scène, je me sens immensément heureux.

À Paris, à l'étranger ou ailleurs qu'ici, est-ce que vous vous sentez ambassadeur du Sud ?

À Paris oui, je suis ambassadeur du Sud parce que je porte cela en moi. À Marseille, ce n’est pas nécessaire parce il y en a qui le font bien mieux que moi.

C'est quoi pour vous le Sud ?

Mon Sud à moi, c'est la Méditerranée et la Provence. Quelque chose de très humain, très chaleureux et qui a un rapport direct avec le lien social, le lien affectif. Un truc du bassin méditerranéen, qui a un rapport avec le tactile.

Si c'était à refaire, est-ce que vous referiez les choses de la même façon ?

Probablement. Oui. Je referais les choses de la même façon. Je perdrais du temps à faire des études qui m'ont beaucoup apporté, même humainement, intérieurement.

Episode 3 – De l’intolérance alimentaire à l’étoile Michelin : Nadia Sammut, cuisinière hors pair

La cheffe étoilée originaire du Luberon revient sur son parcours, marqué par l’influence de sa mère et sa grand-mère, toutes deux cuisinières et par son intolérance alimentaire au gluten. Elle nous accueille sur la terrasse de l’auberge la Fenière à Cadenet, sous le soleil exactement. Découvrez Nadia Sammut en toute simplicité dans le troisième épisode de « Parle Sud ».
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Si vous deviez vous présenter à quelqu'un qui ne vous connaît pas du tout, que diriez-vous ?

Je dirais que je suis une enfant du Sud, née à Lourmarin, qui œuvre pour nourrir cette planète en conscience.

Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui et qu'avez-vous fait ces derniers jours qui vous a rendue heureuse ?

Je suis dans un état d'esprit de bonheur, comme d'habitude. Chaque jour m'évoque ça. Et je dirais que les dernières choses qui m'ont fait plaisir, c’était de cuisiner ce week-end, de recevoir toutes ces personnes émerveillées et heureuses autour de choses qui me semblent hyper simples. Autour du pois chiche, comme d’habitude ! Bref, de donner ce petit goût du bonheur qui pour moi représente ma région.

On reparlera du pois chiche, mais revenons la Genèse. Vous êtes née à Lourmarin au tout début des années 80. Ça donnait quoi ? 

Ça donne une enfant qui est née dans un village de 1000 habitants au cœur du Luberon, avec un grand terrain de jeu qui est le village entier, avec des familles qu’on connaît très bien, qui sont des amies. Une problématique de maladie cœliaque à la naissance qui a été hyper acceptée dans un petit village comme ça. Tout le monde essayait de me faire du bien, d'être présent. Je suis ancrée ici.

Cette maladie cœliaque est à l'origine de cette réussite aujourd'hui. Comment l’avez-vous découverte ?

Mes parents connaissent mieux l'histoire parce que j'étais trop petite pour m'en souvenir, mais lors de la diversification alimentaire, on s'est rendu compte que le gluten et le lactose chez moi étaient problématiques, que je ne les digérais pas. Je n'avais pas d'enzymes qui permettaient de digérer ces molécules. Le gluten, c'est la colle glue, que l'on trouve dans le seigle, le blé, l'orge, l'avoine, les blés anciens et tout ça. On s'en est rendu compte en 1980, 1981 et vers l'âge de dix ans, on m'a demandé de remanger comme tout le monde parce qu'on pensait que c'était une allergie et qu'elle avait disparu. Elle est revenue à mes 30 ans de manière très, très forte et radicale et donc ça m'a amenée, quand je me suis relevée de ces problématiques, à vouloir créer un monde au goût meilleur.

Chaque jour à La Fenière, dans le Luberon, qu'est-ce que vous entendez, qu'est-ce que vous voyez et qu'est-ce que vous sentez quand vous ouvrez vos fenêtres le matin ?

J'entends les oiseaux. Un petit rossignol très mignon. Je sens les odeurs de l'herbe fraîche le matin. Un petit peu plus loin, quand je vais promener mon chien dans le jardin, les effluves des odeurs des différents endroits dans le potager, près des arbres fruitiers. Puis, si je monte dans la garrigue, c'est plutôt le thym. Et ce que je vois, c'est le paradis. Tous les jours, il est différent par ses couleurs.

Est ce qu'il vous arrive d'imaginer vivre ailleurs qu’ici ?

Je l'ai fait pendant longtemps. J’ai d'ailleurs voyagé énormément. J'avais l'impression que c'était l'ailleurs qui m'appelait. Donc je me suis rendu compte que j'adorais rencontrer des personnes ici et là. Et puis, à un moment donné, je suis revenue vivre auprès de mes parents et je me suis dit qu'en fait, tout allait naître de ce territoire et de ce lieu qui sont mes racines et qu'en fait, non, je ne pourrais absolument pas vivre ailleurs.

Vous faites partie d'une lignée de femmes cuisinières nourricières. Tout commence avec Claudette Sammut. C'est votre grand-mère ?

Elle s'appelait Claudette Leclerc, de son nom de jeune fille. Claudette a commencé à cuisiner pour sa famille. Elle est arrivée en France dans les années 50. Elle faisait pension de famille aussi. Le soir, elle nourrissait des étudiants qui venaient étudier à Aix-en-Provence. Et puis, dans les années 75, elle a ouvert le restaurant de La Fenière, dans un grenier à foin, à Lourmarin, dans une petite rue du village. Mon père était en salle et elle était en cuisine. Ma mère a rencontré mon père au village de Lourmarin. Elle était en médecine à l'époque. Et puis, par amour, elle a arrêté médecine pour apprendre en cuisine avec sa belle-mère. Elle venait des Vosges, donc absolument pas dans cette cuisine méditerranéenne, mais elle a été adoptée par la Méditerranée. Et puis elle en a fait aussi son histoire, sa recherche culinaire, sa passion. Et elle me l'a transmise. Ce n’était pas dit. Je ne voulais pas faire de cuisine. J'avais une vraie problématique liée à l'alimentation. D'abord, un, je détestais manger et la deuxième chose, c'est que je ne savais pas comment donner du plaisir étant donné que je n'en avais pas moi-même.

Quand je l'ai compris, je me suis dit que, finalement, ce qu'on m'avait le plus transmis, c'était l'amour. Que si on avait l'amour et la lumière, on arrivait à son tour à faire quelque chose avec ça. Donc je me suis ensuite affairée en cuisine à partir de 2015. J'ai essayé de créer cette idée d'une cuisine tolérante, respectueuse et surtout très profonde. Et je me suis dit que pour ça, il allait falloir que je réfléchisse sur mon territoire à tout ce que j'allais avoir autour pour le donner avec cette force-là.

Construire un monde au goût meilleur, vous en avez fait votre mantra. En Provence, vous vous battez pour faire renaître des cultures telles que la pistache, l'amande, le pois chiche. Vous mettez en place un véritable écosystème vertueux et vous proposez une cuisine pure, locale et de saison. Donc l'idée, c'est de ne jamais dissocier agriculture, alimentation et santé. C'est une nouvelle vision du monde, en somme.

Je pense que c'était la vision première du monde. Pour moi, il était fondamental de revenir aux sources et aux racines. J'ai été élevée à Lourmarin, dans un village où tout le monde était très bienveillant, avait envie de transmettre justement la culture potagère, l'agriculture. On rencontrait des agriculteurs en permanence, en allant à l'école. Toutes ces questions-là, elles font partie de mon éducation. Mon projet est de manière holistique très respectueux d'un écosystème qui est bien sûr la terre et la régénération de la terre, la régénération du corps et la régénération de l'esprit. Et il me semble que si on régénère tout cet écosystème, alors on pourra construire ensemble un monde au goût meilleur.

Concrètement, on mange quoi quand on vient à La Fenière ? Quelle est la carte de Nadia Sammut ?

Je cuisine aujourd'hui beaucoup de végétal et j’effectue un travail sur la mer. Je travaille peu la viande, voire pas du tout. Non pas parce que je suis contre, je n'ai absolument aucune opposition, mais j'avais envie d'amener un travail très important sur le goût de cette cuisine en conscience.

Qu'est-ce que c'est le goût d'aujourd'hui et de demain ? Qu’est-ce que c’est le goût d'une plante résiliente qui peut-être résistera aux conditions climatiques et environnementales auxquelles on va faire face ? Je crois qu'il faut créer des madeleines de Proust sur nos territoires aujourd'hui. Créer des produits typiques aussi. Donc c'est pour ça que je m'affaire chaque jour à créer une cuisine respectueuse. Je travaille énormément le végétal. Je vais le transformer, le maturer, le sécher, le déshydrater. Je fais plein de choses comme ça et du coup, tout au long de l'année, on va goûter la culture locale. Côté mer, je travaille beaucoup le mulet, le maquereau, des poissons qui ne sont pas forcément très nobles, qu'on ne croyait pas très nobles. Mais qu'est ce qui est noble et qu’est-ce qui ne l'est pas ? Je trouve qu'il est important de se poser aussi ces questions sur le respect du réservoir marin et le goût de la mer.

Aujourd'hui, votre maman est-elle toujours à vos côtés ?

Non, elle n’est plus à mes côtés depuis 2018 à La Fenière. Elle est à mes côtés dans la vie en général, mais elle n'est plus le chef d'entreprise. C'est moi qui ai pris ces responsabilités. Mais comme on est une famille très, très unie et qu'on a toujours vécu ensemble toute cette histoire, finalement, je suis dans la continuité de l'histoire.

Et ça, c'est très beau. On peut parler évidemment de votre sœur qui est bien connue des Marseillais.

Julia, Oui. De la même façon, elle a tracé son idée du goût et de la gastronomie. C'est vrai que Marseille, pour elle, c'était un lieu d'ancrage très fort. Je pense que c'est d'ailleurs le lieu où est arrivée ma grand-mère, quand elle est partie de Tunis. Donc il doit y avoir aussi des liens un peu particuliers. Pour Julia, c'est vrai que ce travail d'épicier, d'aller chercher le produit chez le producteur, est une façon différente de nourrir les gens, c'est quelque chose qui est fondamental aussi. Donc on se rejoint par notre philosophie et différemment par notre manière de le faire.

Dans quelle mesure vos origines régionales vous ont permis de réussir ?

Mes origines régionales, c'est ma vie. C'est tellement une force absolue. D'abord, c'est un réseau, un tissu naturel. Quand je parle aux gens autour de moi, ils me connaissent parce qu'ils m'ont vu grandir. Puis j'ai beaucoup de respect pour eux parce que je les ai vus aussi œuvrer. Je connais les familles historiquement comme elles connaissent la mienne, et je crois que ce rapport humain était fondamental dans le projet que j'ai voulu tisser. Et puis bon, je suis quand même la fille, encore une fois, de la troisième génération. Ma mère et mon père ont œuvré d'une façon magistrale pendant 50 ans et j'arrive derrière. Ils avaient déjà marqué les choses, je prends la suite de leur travail en respectant le territoire et je suis respectée aussi aujourd'hui, c'est génial. J'ai été très bien accueillie comme enfant du pays.

Et partout ailleurs, comment sont perçues ces origines régionales ?

Ce que je trouvais génial, c'était de se dire que ce qu'on faisait, ancré ici dans la région Sud, permettait d'être essaimé, comme les abeilles font un essaim et vont voyager ailleurs. Et moi, je dis que la terre de la région Sud est un modèle essaimable.

Tout ce que je fais ici, j'essaye de le proposer, non pas pour le faire moi-même et créer des multinationales, mais tout simplement pour donner l'idée. Expliquer comment on peut monter des systèmes sur notre tissu régional et les transmettre. Donc aujourd'hui, c'est une terre d'inspiration, qui me permet d'aller inspirer le reste du monde.

On va dire un mot de votre actualité parce qu'il y a la restauration, mais pas seulement.

J'ai créé il y a trois ans Kom&sal, qui est une marque de produits issus de l'agriculture locale, régionale bien sûr, et qui est une meunerie boulangerie pâtisserie vegan, plutôt végétale et sans gluten, sans lactose. Je travaille énormément le pois chiche parce que c'est une plante d'aujourd'hui. Une légumineuse d’aujourd'hui et de demain qui est importante à réfléchir sur le plan agricole. C'est une plante de rotation qui nous permet de fixer l'azote sur le sol, qui demande très peu d'eau et en fait, on peut le planter dans de nombreux endroits. J'ai choisi le lycée agricole de l’Isle sur la Sorgues et Avignon, pour lancer notre premier projet. Donc, chaque année, on produit sur ces terres et ce sont les élèves qui sèment, qui plantent, qui ramassent, qui récoltent le pois chiche et moi je le transforme dans ma fabrique. J'ai un moulin en meule de pierre que j'ai fait faire en France, qui me permet d'écraser pas mal de farine. On distribue dans la France entière, auprès de restaurateurs, d'hôteliers, ces produits vertueux et délicieux, avec du riz de Camargue aussi, de la châtaigne d'Ardèche, le sarrasin qui vient de Gascogne. Aujourd'hui on a planté du sorgho, qu’on va avoir en rotation. Ce sont toujours des plantes de territoire et on essaie comme ça de créer des produits délicieux et de donner une nouvelle idée culinaire, comme une nouvelle expérience. On distribue aussi dans les magasins bio des épiceries fines dans la France entière.

A quel moment vous êtes-vous senti la plus heureuse, la plus épanouie ?

Il y a quelques mois, j'ai finalisé mon modèle vertueux et l'écriture d'une gouvernance très particulière qui, avec une philosophie plutôt de philanthropie in fine, me va très bien. Donc, ça y est.

A Paris, à l'étranger ou même ici, face à des clients qui viennent du monde entier, vous sentez-vous une ambassadrice du Sud ?

Oui, absolument. Je suis fière de pouvoir porter les valeurs de la région où je suis née, de pouvoir amener les gens à respecter notre territoire quand ils viennent le découvrir et qu'ils n'en soient pas des consommateurs, mais qu'on les amène à vivre une expérience. Je suis fière d'être un des maillons de la chaîne d'un territoire aussi positif, ensoleillé et fort dans son image.

D'ailleurs, c'est quoi pour vous le Sud ?

C'est la vie ! Le Sud, pour moi, c'est la source. C'est une agriculture vertueuse, ce sont des produits délicieux, ce sont des gens heureux aussi. C'est l'accent aussi, que je n’ai plus.

C'est vrai, ça. Vous l'aviez à l’origine ?

Je l'aimais beaucoup. Je l'ai perdu, je crois, en voyageant énormément et en me trouvant à l'étranger. Dans ma cuisine, on parle essentiellement anglais et beaucoup espagnol, parce que j'ai des gens du monde entier à mes côtés. Mais quand je m'énerve, il revient.

Si c'était à refaire, referiez-vous les choses de la même façon ?

Je les referais de la même façon. J’ai eu énormément de chance de vivre dans ma pleine personnalité, d'accepter qui j'étais pour en faire quelque chose. Ce n'est pas souvent le cas. On essaye toujours d'être quelqu'un d'autre pour plaire. Quand j'ai compris qui j'étais et que je ne pouvais pas vivre de la même façon qu’avant parce que je mangeais des choses qui me rendaient malade, et bien je vais aller jusqu'au bout de moi-même. Donc aujourd'hui, je vais jusqu'au bout de moi-même.


Épisode 1 - Des Orres au prime-time de TF1 : Camille Combal, un gars du Sud


Camille Combal, c’est l’animateur star de TF1, mais c’est aussi le fils de « Riquet des Orres ».
Découvrez cette anecdote et pleins d’autres dans le 1er épisode de Parle Sud !
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Camille Combal Bonjour.

Bonjour, bonjour, bonjour, tu prendras celui que tu préfères.

On a eu Jean-Pierre Foucault au milieu !

Il y a eu Jean-Pierre Foucault. Dès que je parle. Il y a toujours Jean-Pierre Foucault au milieu. C'est plus fort que moi. C'est une maladie particulière que j'ai.

Alors Camille, si vous deviez vous présenter ?

On se vouvoie ? 

 Moi, ça me va. Comme tu veux

On se tutoie. Il faut dire aux gens que nous sommes dans le jardin de ma mère et donc, à partir de là, du moment où les gens sont dans le jardin de ma mère, on ne peut pas se vouvoyer. Vous voyez ce que je veux dire. Tu es en train de boire le café de ma mère qui est dégueulasse.

Non c'est faux ! Et on a de très jolis petits gâteaux sous cloche.

Ma mère est beaucoup dans la présentation. Mes parents étaient hôteliers.

On allait y venir. Donc si tu devais te présenter à quelqu'un qui ne te connaît pas du tout aujourd'hui, que dirais-tu ?

Je dirais : Salut c’est Camille Combal. C'est la version wish de Nikos Aliagas.

Tu ne peux pas faire mieux ?

Ici dans le Sud, je dirais que je suis le fils de Riquet des Orres. C'est comme ça qu'on me connaît le mieux en tant que Haut-alpin. Henry Combal, dit Riquet, c’est mon père et donc, ici, je suis connu comme le fils de mon père.

Dans quel état d'esprit es-tu aujourd'hui ? Et qu'est-ce que tu as vu ces derniers jours qui a pu te rendre heureux ?

Je suis déjà toujours hyper heureux quand je rentre aux Orres et dans ma région. Il faut savoir que je suis ce débile qui, dès qu'il voit le panneau Provence-Alpes-Côte d'Azur, klaxonne dans sa voiture pour dire, ça y est, je suis chez moi. Je suis ce lourd. En plus, là, j'ai mon fils pour la première fois. Donc je lui présente tout le monde, les copains à la station. C'est cool. J'ai fait plein de trucs tous les jours, un peu de surf électrique sur le lac de Serre-Ponçon. Un peu de tennis aussi. Il y a mon chien qui joue avec sa balle juste à côté. Gaspard, lui, il vit sa meilleure vie. Et beaucoup d'apéritifs, bien sûr.

Tu es né à Gap en 1981. On a évidemment envie d'en savoir un peu plus sur ton enfance. Est-ce que tu faisais du ski ? Est-ce que tu faisais de la rando avec tes parents ? Que faisaient tes parents d'ailleurs ?

Mes parents étaient restaurateurs, donc ils ne faisaient absolument rien avec nous puisqu'ils ne faisaient que travailler les pauvres ! Ils ont travaillé très dur. Avec mon frère, on s'occupait un peu entre nous et donc, forcément, quand on a la chance d'avoir un chalet au pied des pistes, c’est le ski très vite.

On ne vivait que pour le ski. L’école, c'était juste ce qui nous séparait de la prochaine session de ski. Mon frère et moi avions deux styles très différents. Mon frère aimait bien les piquets comme les skieurs d'aujourd’hui. Et moi, j'étais déjà un peu plus bosses et freestyle.

Quelles sont tes attaches régionales aujourd'hui ?

Je viens tous les étés et à Noël aussi, c'est obligé. Mes attaches, ce sont mes parents bien-sûr qui sont à la retraite qui sont restés là, et puis tous mes potes. Ils ont des restos, des magasins de sport, des paintballs, ils ont plein de trucs. J’ai gardé tous mes potes qui sont restés ici. 

Qu'est-ce que tu entends ? Qu'est-ce que tu vois et qu'est-ce que tu sens quand tu ouvres la fenêtre le matin ?

Ce qui me fait me réveiller le matin, c'est le bruit des perches du téléski qui tapent les unes contre les autres. C'est un truc génial ! Tout le monde parle des cigales, c'est cool les cigales, mais le bruit des perches métalliques qui tapent, c'est ça qui te réveille le matin, c'est quand même fantastique.

On avait le bus scolaire qui passait à 7 heures tous les matins pour nous récupérer au collège à 8 heures. Un jour sur deux, je bourrais mon sac de matériel de ski. Je me cachais, le bus passait et ensuite je montais au pied des pistes pour attendre l'ouverture à 9 heures. Je partais skier toute la journée d'où mes résultats au bac. Catastrophiques !

Sinon je ne sens rien quand j’ouvre ma fenêtre puisque j’ai eu le Covid il y a un an et demi et j'ai perdu l'odorat. Je ne sens plus rien ! Donc je ne vais pas vous raconter que je sens bien le jasmin, les arbres, ou tout simplement la neige. Je sens walou.

Ça se rééduque cette perte d’odorat ?

Je crois. Mais j’ai la flemme rien qu’en écoutant le mot rééducation. Aller voir un gars qui met des huiles essentielles pour me rééduquer en six mois. Ah ouais, c'est le comble de la flemme !

Donc on peut vraiment dire que c'est ici que tu te sens chez toi aujourd'hui.

Honnêtement, j'étais plutôt pressé de partir. Je suis honnête, je m'ennuyais un petit peu. Moi j'adore Paris. Je suis vraiment un Parisien d'adoption, je me régale là-bas. Mais, ouais, mon vrai chez moi, c'est ici. Je suis trop chauvin toute l'année.  Je crée des compétitions avec les autres stations. Yann Barthès de « Quotidien », il est de Savoie. Il est au-dessus d'Annecy et adore sa région. Il y va, il y retourne souvent. On a cette chose en commun d'adorer notre région, d'adorer le ski. Mais après, ce qui nous différencie, c'est que, moi, j'ai un vrai niveau de ski. La battle ne s’arrêtera jamais !

Donc, jeune, tu t'ennuies. Tu décides de partir après le Bac ?

Je pars à Aix et je vais voir un peu d'autres trucs. Mon frère faisait Sciences-Po Aix, donc j'étais descendu deux ou trois fois et je m'étais dit « Ah d'accord, en fait, c'est ça. OK, c'est la vie étudiante. »  La ville et les filles, tout était fou. 

Quand fais-tu le choix d'aller à Paris ?

Je voulais divertir les gens, peut-être faire de la radio, peut-être faire de la télé, ou de la scène. Moi, j'ai eu du mal à l'assumer, à dire à mes parents que j'ai envie d'aller à Paris. Et, au final, je dis à mes parents que j'ai trop envie de faire ça.

Et donc je pars à Paris. Mes parents, trop cools, me paient un appart pendant six mois. Je me retrouve à Paris en connaissant absolument personne. Je n'ai aucune porte à laquelle sonner. C'est un vrai moment dur. Deux ans, c'est long. Je mets du temps avant de trouver un boulot dans les médias. C'est dur.

Quel est ton premier boulot dans les médias ?

Le premier boulot ? il y a Fun Radio qui me repère et me dit « Ouais, viens chez nous, tu pourras écrire des trucs. »  Et quand j'arrive, en fait, ils me font envoyer des cadeaux. C'est moi qui envoie les compilations. Et donc je me retrouve à faire ça, c’était pas du tout intéressant, mais je m'accroche. J’étais stagiaire et non payé. Et donc je fais deux ans de stage avant de décrocher mon premier contrat.

Quel enseignement tu tires de ces débuts difficiles ?

 Il ne faut pas tout de suite se dire, oui, je veux être animateur radio. Tant que je ne suis pas animateur radio, je ne fais rien. Il faut faire tous les petits métiers. C’est comme la restauration. On ne démarre pas tout de suite chef d’un trois étoiles. Il faut démarrer à la plonge, puis commis, puis préparer les entrées froides. C'est pareil dans nos métiers. Il est très rare que quelqu'un fasse rire dans la rue et obtienne tout de suite une libre antenne.

Avec tes origines sudistes, monter à Paris. C’est plutôt rare.  

Je ne suis pas un précurseur. Je ne vais pas me valoriser plus que ça. Jean-Pierre Foucault, qui est du Sud, l'avait fait bien avant moi. Mais je n'étais pas relié à lui. Donc j'ai fait mon truc, dans ma petite région, d’autres personnes l'avaient fait avant moi. Je n’avais aucun lien avec eux. Plein de gens du Sud avaient percé avant moi à Paris.

A Paris, les gens te posent des questions sur tes origines ?

Ils disent « tu viens de la neige ? » mais c'est un peu vague pour eux. Quand ils me disent : « tu viens d'où ? »  Je dis Aix en Provence. Si je vois que les gens s'intéressent un peu, et ce n’est pas souvent à Paris, je dis Serre-Chevalier. Et si je vois que les gens s'intéressent encore, je parle des Orres. Mais je ne le fais vraiment pas par snobisme, je le fais par flemme d'expliquer.

Donc pas d'a priori négatifs à Paris parce que du Sud ?

Ouais, j’ai dû assumer mon côté provincial, même campagnard. Mais pas d'a priori, en revanche j’avais un énorme accent, celui d’Aix-en-Provence et de Manosque. Il fallait quand même le perdre.

C'était ta volonté ? Personne ne t’a demandé de perdre ton accent ?

J’ai compris que je devais un peu adoucir mon accent. Quand tu écoutes bien, on dirait Fernandel à un moment donné !

À quel moment tu t’es senti le plus heureux ?

J'ai de la chance, moi je suis très heureux. Vraiment, j'ai trop de chance dans ma vie. Je suis trop content de tout ce qui m'arrive et de tout ce que les gens me permettent de vivre. Donc, je dirais même maintenant, je ne suis pas loin du max.

Tu envisages un retour dans les Hautes-Alpes ?

Je suis lié à la région, je reviens souvent. On a des projets dans le coin, je reste très proche de la région. Mais je ne pense pas y revivre à plein temps un jour.

Mais bon, qui sait, il ne faut jamais dire jamais. Le jour où cela s'arrêtera à Paris, je n’aurais aucun problème à revenir aux Orres et ouvrir un magasin de sport. Mes potes sont tellement heureux. Moi je serais heureux ici avec simplicité. Je ne m'accroche pas plus que ça. 

À Paris ou à l'étranger, te sens-tu ambassadeur du Sud ?

J'espère ! Mais ce n'est pas à moi de le dire. Ce serait bien trop prétentieux. Moi, mon rêve, ce serait de l'être et de faire des soirées de l'ambassadeur comme dans la pub.

En tous cas, je fais tout pour. Je ne sais pas pourquoi je suis chauvin à ce point-là, peut-être parce que j'étais tellement heureux, enfant et adolescent. Donc je suis très lié aux gens du Sud. Vraiment, j'ai l'impression que l’on s'entraide entre nous. On parlait de Clara Luciani tout à l'heure, mais Jean-Pierre Foucault a été tellement gentil avec moi.

Donc je pense quand même qu'on a un lien entre nous, qui fait que nous sommes montés à la capitale. À Paris, quand je vois une voiture avec une plaque des Hautes-Alpes, je m'arrête, je baisse la vitre et je lui parle. Les gens hallucinent ! Je ne sais pas si je suis un bon ambassadeur. En tout cas, je fais tout pour parler du Sud et dire à quel point c'est cool.

Et d'ailleurs, c'est quoi pour toi le Sud ?

Mon Sud ? On est sur les Bouches-du-Rhône et les Hautes-Alpes. Mon Sud, c'est vraiment Aix, Marseille et après le Var, Serre-Chevalier, Montgenèvre. Voilà, c'est là où j'ai grandi, où j'ai appris le ski où j'ai fait toutes mes compétitions. Donc je suis très attaché, surtout à la montagne et bien sûr et à Aix- Marseille où j'ai toute ma famille.

Tu te vois où dans dix ans ?

Je ne sais pas. Ce sont les gens qui décideront quand ils auront marre de moi. Je suis trop heureux de faire ce que je fais, partager tout ça avec les gens. Vraiment, je suis très chanceux qu'on me suive dans mes projets. Et puis, peut-être, un jour, ça s'arrêtera.En tout cas, je ne vais pas m’accrocher à devenir chroniqueur, à essayer d'être sur tous les plateaux. Une fois que ce sera fini, je reviendrai ici tranquillement. Je mets mes parents dans un EHPAD, je récupère le chalet, je suis au max !

C'est la fin de cet épisode de « Parle Sud ». Nous espérons que vous avez passé un bon moment et vous serez fidèles à ce nouveau rendez-vous. Parlez-en autour de vous ! Abonnez-vous pour être les premiers informés de la diffusion des prochains épisodes et n'hésitez pas à nous encourager en laissant des avis et des étoiles sur vos applications de podcast préférées.

 


Mis à jour le 14 janvier 2025