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Immersion 3D au cœur de la grotte Cosquer

Mis à jour le 12 octobre 2021

Qui n’a pas rêvé de plonger au cœur de la grotte Cosquer et de ses joyaux paléolithiques sans se mouiller d’un cil ? C’est ce que propose et réalise la Société Perspective(S), basée à Aix-en-Provence. Cap sur la pépinière d’entreprises de l’Arbois pour une rencontre au cœur de l’été avec des génies de la réalité virtuelle.

Le chant des cigales nous accueille au cœur de l’été, dans la pinède de la pépinière d’entreprises du technopôle de l’Arbois, où dès les premiers regards l’inventivité se manifeste : parc à voitures électriques, façade à éoliennes graphiques etc…mais la grotte Cosquer nous attend, bien loin de sa cavité immergée dans les calanques, mais tellement plus accessible…

Les deux fondateurs de l’entreprise Perspective(S) nous attendent pour nous ouvrir les portes de leur univers créatif, méthodique, et passionnant.

Dotés du casque de réalité virtuelle, nous voilà plongés au cœur de la grotte, découvrant, fascinés, le chef d’œuvre paléolithique immergé. Cette grotte nous la connaissons mais par bribe sous forme de photos, de témoignages. Mais à présent, elle s’offre à nous dans sa démesure et sa splendeur. Où poser son regard ? Où découvrir les pingouins, le phoque, les mains négatives ou les aurochs ?

Gauthier Pocquet, jeune développeur designer dévolu au projet Cosquer, nous guide dans le dédale de la grotte à la rencontre de ces figures familières pour une découverte virtuelle mais dans l’exacte configuration d’origine. Saisissant envoûtant et impressionnant, voilà les termes qui définissent le mieux cette immersion virtuelle. C’est ce qui vous attend dès l’été 2022 à la Villa Méditerranée où une salle dédiée vous plongera en ces lieux inaccessibles et d’une beauté époustouflante. 

Un parcours riche et atypique

Entretien avec Romain SENATORE, président de la Société Perspective(S) et sondirecteur général, Stéphane KYLES :

Artistes, ingénieurs et précurseurs,leurs parcours atypiques d’une grande richesse leur permettent une polyvalence presque sans limite. Issus des Beaux-arts d’Aix-en-Provence, ils prirent naturellement le chemin d’un parcours artistique dans l’évènementiel pour finalement créer leur propre entreprise en 2013.

« L’école des Beaux-Arts à Aix-en Provence a été un choix délibéré, car elle était pionnière en France dans le domaine des Arts et des sciences en cognition informatique. Nous avons ainsi pu nous plonger dans les nouvelles technologies et la 3D, un département créé par Pavel Smetana, directeur du centre d’art et technologie de Prague. Il nous a ouvert les portes de centres européens de 3D et permis des interactions avec une multitudes d’artistes et de scientifiques. Des workshops nous ont permis d’expérimenter la 3D, le laser, la vidéo, le son, l’électronique, la mécanique et la mécatronique (alliance entre mécanique et électronique), ainsi que la motion capture (capture des mouvements du corps) avec Christian Soucaret dès 2003. C’était un véritable atelier expérimental virtuel.

L’art numérique nous a permis d’expérimenter des croisements de technologie, sans pression : une sorte d’école d’ingénieur dédiée à la création, en avance sur son temps, car ce que nous faisions à l’époque, est enseigné seulement aujourd’hui dans les écoles d’ingénieurs avec une technologie un peu plus performante.

Nous avons ensuite travaillé pour l’évènementiel, pour des festivals, mais également avec le ballet Prejlocaj à Aix-en-Provence, en Allemagne et en République tchèque. Stéphane s’est installé à Prague durant sept ans et demi. Un pays qui a su développer les Arts et les technologies.  Nous nous sommes enrichis chacun de notre côté de quantités de savoir-faire sans jamais se perdre de vue, pour finalement répondre ensemble à un appel à projet pour la Fondation Vasarely, consistant à numériser la fondation en 3D. Cette expérience a été une porte d’entrée vers notre projet d’entreprise mais dans d’autres domaines que celui de l’art.

En 2012, nous étions deux, le temps de comprendre comment fonctionnait les rouages d’une entreprise, d’investir dans des outils, de les développer, nous avons créé l’entreprise en 2013. Aujourd’hui, nous sommes 17.

Désormais, nous avons l’avantage de pouvoir faire des choix dont celui de Cosquer. Grâce à notre formation atypique, nous proposons les services d’un bureau d’étude, de concepteurs en informatique 3D, et de faire des propositions créatives. Cette spécificité permet une maitrise des projets à 360°. C’est notre valeur ajoutée. Le choix de nos collaborateurs va dans le même sens : un designer, des ingénieurs, un docteur en informatique et des concepteur designer 3D en temps réel. »

Perspective(S) a bénéficié, entre autres, d’un des seuls dispositifs pour les moyennes entreprises : Région Sud Investissement. Une structure réactive disposant de larges moyens pour accompagner le développement économique des entreprises en renforçant leurs fonds propres avec des acteurs privés régionaux, nationaux voire internationaux. D’autre part des aides pour les start-ups et pour l’innovation sont prodiguées par la Région afin de dynamiser l’attractivité de ses territoires.

La grotte Cosquer modélisée en virtuel 3D

« La commande était double de la part de la Société Kléber-Rossillon (en charge de la réalisation du projet et délégataire de la Région), d’une part il fallait reproduire en 3D la grotte à l’identique pour les recherches scientifiques, d’autre part, scénographier la réplique dans un espace plus petit que la grotte elle-même : la Villa Méditerranée. Nous participions à la scénographie de la réplique aux côtés de Laurent Delbos et Thierry Amiel et du conseil scientifique.

Contractuellement, notre mission consistait à restituer le plus fidèlement possible les maillages 3D, les informations de points et les photos dont nous disposions, dont certaines en 360° et de retransmettre à l’identique la colométrie et la géométrie exactes des données qui nous ont été transmises par l’Etat.

Technologie 3D ou réalité virtuelle, comment ça marche ? Explications de Stéphane KYLES :

« Les deux yeux regardent des points différents, des angles différents grâce à leurs positions distinctes et reçoivent donc les informations différentes, c’est ce qu’on appelle le parallaxe. Avec ses informations, le cerveau peut percevoir la profondeur grâce à des angles qui se croisent. Pour une restitution dans le monde numérique, il faut fournir dans la vision du casque ces deux images différentes représentant la position des yeux dans le virtuel. L’image pour l’œil gauche et celle pour l’œil droit sont par définition différentes mais elles donnent les informations de perception de la profondeur à notre cerveau. La réalité elle-même est une immersion complète dans un monde en 3D. Par ailleurs, il faut tenir compte également de la fréquence de rafraîchissement qui doit donner des informations en continue et à une certaine vitesse. Plus elle est lente, moins votre cerveau va comprendre les informations, il faut donc un bon équilibre entre les deux afin de ne pas être sujet aux migraines ou aux vertiges. Ces données sont extrêmement lourdes à traiter, il faut pouvoir disposer d’une mémoire particulièrement conséquente pour fonctionner comme un cerveau. Des investissements ont été nécessaires pour stocker et traiter ces données. »

Le double numérique de la grotte a été réalisé à partir des 340 scans reçus, effectués par la DRAC (l’Etat). La société FUGRO, mandatée par la DRAC, numérise l’intérieur de la grotte depuis des années. Au fil du temps, elle a collecté des données de plus en plus précises. Aujourd’hui nous disposons de 350 scans. Par ailleurs, nous avons dû traiter des données photogrammétriques(*) qui indiquent la couleur, la texture et la morphologie de la grotte, puis nous avons tout numérisé pour réaliser une reproduction intégrale et à l’identique de ce que nous connaissons à ce jour de la grotte vouée à disparaitre.

Pour mettre à disposition les données à tous les protagonistes de ce projet, nous avons créé une plateforme dès leur réception en mars 2020, notamment pour les artistes qui œuvrent à la reproduction de la grotte mais également pour les chercheurs qui vont entamer les recherches sur la grotte Cosquer. La transmission des données de la grotte ne se terminera pas avec notre version 1. Le progrès numérique ne s’arrêtera pas. D’autres relevés seront certainement effectués avec une technologie plus performante pour d’autres versions numériques à venir de la grotte.  La singularité de ce projet réside dans le fait que la donnée numérique est devenue la base de travail.

(*) techniques qui permettent de déterminer la forme, les dimensions, la position dans l'espace d'un objet à partir de photographies


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Le défi scénographique et technologique de la réplique

A partir de ces données, le second temps était de travailler à la réplique et d’en établir la meilleure scénographie possible pour le public. La Villa Méditerranée, réceptacle choisi pour la réplique, ne peut contenir la grotte dans son ensemble. Il fallait donc créer une grotte Cosquer condensée.

Très peu de personnes ont vu la grotte en milieu naturel et personne du consortium Kléber Rossillon, c’était une des difficultés majeures à surmonter. Seul le double numérique permettait de l’appréhender. La réplique numérique a donc servi de base à la conception de la réplique 3D, sous le contrôle d’un conseil scientifique (Etat/Région) et d’un comité scénographique.

Notre rôle a été de canaliser toutes les personnalités impliquées dans le projet et de les alimenter en données pour qu’ils exploitent les pistes retenues dans les meilleures conditions possibles, notamment Laurent Delbos (chef de projet de la réplique Cosquer pour Kléber-Rossillon) et Thierry Amiel (scénographe).

Nous avons véritablement écaillé la grotte, sans toucher à l’intégrité des morceaux. Puis, avec Laurent Delbos, nous avons soumis un repositionnement (le plus attractif et éducatif pour le public) à l’approbation du conseil scientifique. Pour finir nous avons redisposé les écailles comme dans une sorte de puzzle.

« A la différence de toutes les autres grottes ornées découvertes à ce jour, et accessibles par les spécialistes, chercheurs et techniciens pour leurs études et reproductions, ceux qui ont restitué la grotte Cosquer au public n’ont pas pu la voir ! Il s’agit d’une approche unique pour la reconstitution d’une grotte ornée. Son inaccessibilité a placé la donnée numérique comme base. »


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La navigation du public au cœur de la réplique Cosquer

Le positionnement des modules de navigation du public dans ce décor virtuel détermine leur déplacement au milieu des écailles. Il fallut établir des temps d’arrêt, appréhender les mouvements de regards pour raconter l’histoire de ces œuvres. Pour ce faire il a fallu établir et projeter l’ensemble de la scénographie de la visite. La grotte virtuelle a été découpée en 6 ou 7 morceaux, en respectant l’intégrité de la morphologie des pièces d’origines. Une réalisation complexe qui nous a conduit à programmer des algorithmes pour sectionner les morceaux sélectionnés et effectuer les calculs. La difficulté était de savoir comment segmenter en écailles car l’ensemble de la grotte est couvert d’œuvres pariétales, particulièrement de gravures « signes géométriques ».

Pour des raisons de visibilité, de cohérence et de compréhension pour le visiteur, nous avons dû créer des « tunnels » durant le parcours 3D de la grotte. Ces « tunnels fictifs » réalisés sous le contrôle des géologues, représentent le cheminement des modules d’embarcation empruntés physiquement par le visiteur lors de la visite de la réplique de la grotte dans la Villa Méditerranée et mesurent environ 150 mètres de long.

Nous avons réalisé plus de 50 versions, toutes soumises à une validation à la fois scientifique et scénographique. Ce qui représente 8 mois de travail et d’essais pour présenter la réplique de la grotte adaptée au support contraint de la Villa Méditerranée. Un véritable défi dont le but était d’être au plus proche de la réalité et de respecter les délais pour une restitution au public en temps et heure.

La fabrication de la réplique à partir de la modélisation 3D de la grotte Cosquer

La réplique 3D réalisées, nous avons transmis ces données aux artistes en charge de la réalisation de la réplique physique de la grotte(*1), à Toulouse, Montignac et Paris où se trouvent les ateliers de Stéphane Gérard, Alain Dalis et Gilles Tosello. Pour la partie moulage, nous avons fabriqué un logiciel spécifique pour la transmission des données photogrammétriques(*2), afin que les artistes peintres puissent les projeter, comme modèles, et ensuite les reproduire : un système numérique de « calque » en quelque sorte.

(*1) A découvrir, lors d’un prochain épisode de la série Cosquer.
(*2) techniques qui permettent de déterminer la forme, les dimensions, la position dans l'espace d'un objet à partir de photographies

Vous avez rencontré Henri Cosquer, qu’a-t-il pensé de la reproduction3D de la grotte ?

Henri Cosquer nous décrit comme « des faussaires numériques ».

Sa validation était indispensable et il a déclaré : « Oui, c’est ma grotte ! ».Un soulagement ! Il aime à s’y replonger avec un éclairage bien plus optimum que la lampe torche dont il disposait lors de sa découverte . Il nous a beaucoup aidé en partageant sa connaissance de la grotte réelle, ses impressions et des anecdotes.

Une entreprise d’avenir, créatrice d’emplois

Gauthier Pocquet,
développeur, designer associé à Léo Berdon , stagiaire, développeur et modélisation (photo). A 27 ans c’est son premier CDI en tant que développeur 3D.  Bachelor en infographie 3D temps réel, il complète sa formation par un master de design interaction. Il a travaillé à l’élaboration et la modélisation de la grotte originale mais également à celle de la copie compressée « La difficulté du projet Cosquer, c’est son ampleur et le nombre de personnes impliquées. J’ai assisté Stéphane Kyles en procédant écailles par écailles, salle par salle avec deux principales difficultés : se familiariser avec le vocabulaire des géologues (car nous ne sommes pas spécialistes) et la lourdeur des données qui nécessitait beaucoup de temps de traitement. Un magnifique projet, passionnant à réaliser.»

Découverte de la réplique de la grotte Cosquer en juin 2022. D’ici là, nous vous ferons rencontrer sur notre site et réseaux sociaux, les protagonistes du projet et les différentes étapes de cette aventure. L’émotion de la découverte fera le reste…

Béatrice MICHEL

Mis à jour le 24 juillet 2024