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© Jean-Pierre Blanc ©Simon Levant
Particulier, Culture

Jean-Pierre Blanc : « la mode est un marqueur culturel »

Mis à jour le 28 octobre 2022

Le Festival international de mode, de photographie et d'accessoires de Hyères s’est achevé il y a quelques jours. Depuis sa première édition en 1986, il est devenu le plus grand festival de mode de France, réunissant chaque année visiteurs passionnés et jeunes créateurs bourrés de talent. A l’origine de ce succès, Jean-Pierre Blanc, également aux manettes du festival Design Parade, l’autre rendez-vous hyérois incontournable. Interview.

Rien ne vous prédestinait à un tel parcours. Comment est-ce que tout a commencé ?

Je suis né dans une famille de restaurateurs d'origine italienne, où la culture n'était pas la priorité. Mais il y avait une culture de la générosité, du partage et des valeurs méditerranéennes, ce qui, rétrospectivement, m'a beaucoup aidé dans mon métier. Et puis, en 1983, j'ai intégré la commission extra-municipale des jeunes de Hyères. Avec une bande de copains, on a commencé par organiser des défilés de mode avec des commerçants de la ville. La première édition du festival de mode que l'on connaît aujourd'hui a été lancée en 1986. A l'époque, ça s’appelait le salon des jeunes stylistes.

Comment a été accueilli ce premier salon à Hyères en 1986 ?

Ce n’est jamais facile de faire de l'avant garde dans une ville, quelle qu'elle soit. Au début, on nous regardait un peu comme des sauvages, comme des gens bizarroïdes. Aujourd’hui, même si ça a beaucoup changé, lorsqu’on propose des choses inhabituelles il y a toujours quelques réticences. Mais le festival est aussi festif. Beaucoup de rendez-vous sont proposés au-delà des trois concours de mode, de photos et d’accessoires. On peut y voir des spectacles de danse, des rencontres avec des écrivains, des rencontres professionnelles aussi, avec la Fédération de la couture et de la mode. C'est quelque chose de très éclectique, qui doit être capable de séduire un public de tout âge et de toutes catégories sociales, et surtout de lui faire découvrir ce qu'est la création contemporaine. C'est ça, notre métier.

Dès le départ avec ce festival, puis avec Design Parade, vous avez pris le parti de valoriser la jeune création. Qu'est-ce qui vous pousse à rester toujours à l'écoute des talents émergents ?

Partout dans le monde, c'est compliqué d'être un jeune artiste. En sortant de l'école Il y a comme un vide, on entre dans une période trouble, anxiogène. Notre parti pris, et nous ne sommes pas très nombreux à le faire dans le domaine de la mode, du design et de l’architecture d’intérieur, c'est de se dire qu'on va prendre le relais après ces écoles et accompagner ces jeunes pendant deux ou trois ans. C’est important et ce qui me fait dire que c’est important, c’est que depuis qu’on a lancé ce festival il y a 37 ans, nous recevons toujours autant de dossiers de jeunes qui veulent participer.

Beaucoup de jeunes passés par le festival ont ensuite poursuivi dans leurs carrières à la tête de grandes maisons de couture. C’est ça, la raison d’être du festival ?

En tout cas, ça conforte et ça confirme la mission du festival. Mais je suis rationnel par rapport à ça. Ce n'est pas que grâce à nous qu'Anthony Vaccarello est directeur artistique chez Yves Saint Laurent. Ce n'est pas que grâce à nous que Julien Dossena est directeur artistique chez Paco Rabanne. Ce sont des artistes qui sont doués. Ils sont passés chez nous très jeunes et ont continué à travailler dans la mode. Et nous, on les a sûrement, à certains moments, mis sur la bonne voie ou fait rencontrer les bonnes personnes. En tout cas, comme c’est arrivé assez régulièrement, ça montre que le choix des jurés du festival est souvent juste.

Cette année, on sent chez les jeunes créateurs un ancrage dans les enjeux de leur époque, avec des pièces éco-conçues, une réflexion sur le réemploi. En 37 ans, vous avez pu voir défiler les grandes tendances qui ont traversé la société ?

Il y a eu plusieurs périodes en 30 ans et celle-là est essentiellement tournée vers tout ce qui concerne la protection de la planète. Mais il y a eu avant des périodes très différentes. Dans les années 90 par exemple, le festival n’a pas du tout échappé à la tendance grunge, très noire. C’est toujours intéressant de voir comment la mode est ancrée dans l'actualité ou vit en parallèle de l'actualité. D'une manière ou d'une autre, même si on a bien conscience que tout le monde ne s'habille pas avec des vêtements de créateurs, la mode est un marqueur culturel comme peuvent l'être le cinéma, la peinture ou la photographie.

La Villa Noailles a accueilli bien des artistes entre ses murs. Devenir le berceau du festival, c’était son destin ?

Ça a failli être totalement autre chose ! Il y a eu des projets d'hôtel, de résidence privée… Grâce à la volonté de la Ville et des partenaires publics, dont la Région, ce monument historique a été sauvé, réhabilité et inauguré en 2003. Ce lieu est devenu l’écrin dans lequel le design, la mode et l’architecture d’intérieur peuvent vivre et s’épanouir toute l’année. Nous sommes un centre d'art d'intérêt national depuis 2017. Nous accueillons presque 100 000 visiteurs chaque année sur nos lieux, à Hyères et à Toulon. Voir le public et les artistes heureux de venir travailler ou de visiter la villa Noailles, c’est notre plus belle récompense, c'est l'essence même de l'action publique.

 

Le festival continue en photo !
Le Festival international de mode, de photographie et d'accessoires se poursuit en expositions jusqu’au 27 novembre !
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En 2023, la Villa Noailles fêtera son centenaire 

Le 30 mars 2023, la Villa Noailles, lieu emblématique du mécénat du Sud, œuvre de l'architecte Robert Mallet-Stevens et écrin des festivals de mode et de design, fêtera ses 100 ans. Avec une commande publique en préparation, la réédition de certains ouvrages de poésie de Marie-Laure de Noailles et un objet musical à découvrir lors des journées du patrimoine, l’anniversaire promet de beaux rendez-vous tout au long de l’année.

Mis à jour le 24 juillet 2024